Dakar : Interview croisée entre Abdoulaye Ndiaye (Vix Spirit) et Ibrahima Balayara – Galerie Les Arts du Soleil

La nouvelle exposition de la Galerie Les Arts du Soleil met à l’honneur les artistes sénégalais Ibrahima Balayara et Abdoulaye Ndiaye (alias Vix Spirit) à la suite de leur résidence du 1er février au 4 mars derniers au sein de cette galerie fondée, entre Dakar et Genève, par Madame Madina BA et, qui est reconnue internationalement pour exposer des artistes à fort potentiel.  A l’occasion de cette nouvelle exposition, nous avons rencontré les deux artistes autour de leurs parcours, de cette résidence et surtout des œuvres qu’ils ont expressément créées.

Entretien.

Abdoulaye Ndiaye (Vix Spirit) et Ibrahima Balayara

Asakan : Vous êtes tous les deux artistes -formé et en cours de formation- à l’Ecole des Arts de Dakar mais vous exposez déjà dans une galerie internationale et même, vous êtes lauréats de plusieurs prix locaux dont celui de la Délégation de l’Union Européenne au Sénégal. Est-ce que vous n’avez pas le sentiment d’être un peu chanceux ?

Ibrahima Balayara : Je ne sais quoi mais ce n’est pas seulement de la chance, c’est beaucoup de travail en fait. Matin, midi et soir, je passais tout mon temps à peindre et c’est le résultat qui est là. Je pense aussi que le fait d’avoir un bon entourage et des professeurs de l’Ecole Nationale des Arts qui m’ont toujours soutenu par leurs critiques, cela m’a beaucoup aidé.

Vix Spirit : Je ne peux pas dire aussi que c’est de la chance. Peut-être je peux admettre qu’il a fallu 10% de chance et 90% de travail, d’abnégation et de concentration pour que nous arrivons chacun à ce stade.


Asakan : Comment êtes-vous tous deux arrivés à l’art et notamment à la peinture ?

Ibrahima Balayara : Mon père était un artiste et un professeur d’arts plastiques. C’était mon idole et je voulais suivre ses pas mais c’est quand j’ai raté mon bac que, sur ses conseils, j’ai décidé de rentrer à l’Ecole Nationale des Arts de Dakar. J »ai donc essayé le concours et j’ai été reçu troisième au rang des admis aux Beaux-Arts. Après j’y ai fait quatre ans de formation dont deux ans de spécialisation en environnement parce que j’étais nul en environnement et je me suis lancé le défi de devenir meilleur dans ce domaine. La peinture a commencé, pour moi, à partir de ma troisième année aux Beaux – Arts.

Vix Spirit : Tout a commencé dès mon enfance. J’ai grandi dans une maison familiale où il avait un de mes cousins qui passait tout son temps à dessiner. Il me donnait souvent l’opportunité de moduler ces dessins. Par la suite, à force de reprendre ces dessins et de faire du gribouillage, j’ai eu à faire moi-même mes propres dessins jusqu’à commencer la peinture sur des feuilles ensuite sur les murs avant d’intégrer l’école des arts.


Asakan : Vous venez de boucler une résidence de plus d’un mois à la Galerie Les Arts du Soleil. Quelles sont vos impressions ?

Ibrahim Balayara : Je suis à ma troisième résidence artistique mais celle-ci est de loin la meilleure des trois. Nous avons été mis dans les bonnes conditions avec à disposition tout le matériel dont on avait besoin. Moi, par exemple, je n’ai pas d’atelier et je vis et travaille dans une maison où les enfants, les parents, la famille font tout le temps du bruit. Là j’ai pu travailler dans le calme ; ce qui m’a convaincu à penser à ouvrir mon atelier.

Vix Spirit : Tout d’abord, je remercie la Galerie Les Arts du Soleil pour m’avoir accueilli pour cette résidence artistique mais aussi pour l’opportunité qu’elle nous a donné de faire montre de nos talents cachés, de faire ressortir ce qui est en nous, ce qu’on vit, nos sentiments et de les partager avec le public dakarois. Cette résidence m’a aussi donné la chance de peindre sur des thèmes qui peuvent permettre à l’individu d’appréhender la vie, de comprendre sa vie. J’ai également eu à travailler sur des techniques différentes notamment la technique du couteau, celle du gribouillage, du dégradé de couleurs. Je remercie aussi le personnel qui a été à nos petits soins pendant toute la durée de la résidence. 


Asakan : Décrivez-nous-en quelques mots une des œuvres que vous aviez créées à l’occasion de cette résidence et qui est exposée à la Galerie Les Arts du Soleil ?

Ibrahim Balayara : Toutes les œuvres que j’ai créées sont très expressives mais si je dois choisir, je propose « Protection de la Nature ». Pour bien vous l’expliquer, je tiens à préciser qu’il y a trois choses qui sont récurrentes dans mes toiles : les immeubles, les femmes et l’environnement. Les immeubles parce que la première fois où j’ai mis pied à Dakar, j’ai eu l’impression que les gens vivent en prison car il y a tout plein d’immeubles mais vraiment pas leurs intérieurs sont sans âme. On vient pour dormir et repartir le lendemain travailler. C’est pourquoi dans mes œuvres j’insiste toujours sur ces immeubles afin qu’on puisse installer des espaces verts dans la ville ou au mieux la décongestionner vers d’autres villes. La femme parce que dans nos sociétés actuelles, on ne prend pas en compte la femme dans nos politiques de développement. Ce sont les hommes qui s’accaparent tout et il faut que ça change. Enfin, on sait tous qu’un environnement sain est source de satisfaction. Il améliore le bien-être mental, et permet à chacun de se remettre du stress de la vie quotidienne et de vivre bien.

Alors l’œuvre « Protection de la Nature » exprime qu’on a tout en Afrique et en prenant en compte la femme et la nature dans nos politiques de développement, on n’aura pas besoin d’immigrer et on va arriver à un niveau de développement durable appréciable et à une vie rayonnante en Afrique.

Ibrahim Balayara, Protection de la Nature, 2023. Courtesy of Galerie Les Arts du Soleil

Vix Spirit : Je vais choisir « L’Art dans la Paix ». On ne peut pas, en effet, regarder notre monde aujourd’hui sans mentionner les conflits. La majeure partie de ces conflits, sinon tous, sont évitables si on adopte vraiment l’amour, la solidarité, la patience, le dialogue dans nos relations humaines. Car la paix est quelque chose qui se crée, se cultive et se partage comme l’art.

Abdoulaye Ndiaye (Vix Spirit), L’Art dans la Paix, 2023 Courtesy of Galerie Les Arts du Soleil

Asakan : La résidence, c’était une carte blanche… Comment et pourquoi en êtes-vous venu à traiter principalement ce thème, ces thèmes ? 

Ibrahim Balayara : Je viens d’un village de Kaolack où les maisons sont vraiment spacieuses, on peut y vivre confortablement, avoir un jardin,élever des animaux, bref vivre bien alors que, comme je le rappelais dans mon propos précédent, à Dakar on ne vit pas mais on survit dans la jungle des bétons. De l’autre côté, c’est plutôt une formation en environnement que j’ai faite à l’école des arts plutôt que d’une formation en peinture. J’ai aussi effectué des stages dans des cabinets d’architecture. Ces deux facteurs combinés m’amènent à faire régulièrement des perspectives dans mon œuvre et à réfléchir sur un mieux-être, un mieux-vivre ensemble dans une harmonie des couleurs.

Vix Spirit : Ce thèmes se sont imposés à moi parce que j’aime voyager, découvrir les cultures et savoirs de terres proches ou lointaines, rencontrer de nouvelles personnes et comprendre leurs manières et habitudes de vie, partager nos différences. Je crois que c’est aussi ça l’art, aller à la rencontre de l’autre.


Asakan : Quelle sera désormais l’influence de cette résidence sur vos recherches et vos pratiques artistiques respectives ?

Ibrahim Balayara : Je suis un produit des rencontres : de la rencontre de mon père, El Hadj Ousmane Balayara, avec l’art, de ma rencontre avec la pratique de la peinture à l’Ecole Nationale alors que j’y étudiais l’environnement, et nul doute que cette résidence contribuera aussi à mon développement artistique. Dans la peinture, assurément mais peut-être également sur d’autres plans… On verra bien.

Vix Spirit : La résidence m’a permis de travailler davantage mon style et mes techniques. Nous avions aussi pu discuter de nos pratiques respectives, nous nourrir de réflexions artistiques et intellectuelles communes. En tout cas, ce fut un processus d’apprentissage riche pour moi et je vais capitaliser sur ces enseignements dans mes projets actuels et futurs.


Asakan : Justement, quels sont vos projets à venir ?  

Ibrahim Balayara : Actuellement, je suis en train de préparer la quinzième édition de la Biennale de Dakar. Mais bien entendu, je continue à travailler et à me perfectionner. Ma vision est de voir le Sénégal avancer à travers l’art.

Vix Spirit : C’est de continuer à travailler sur des thèmes sociaux avec d’autres techniques et styles qui me fassent faire le tour du monde inch’Allah.


Le vernissage de l’exposition est prévu pour le 3 octobre 2023.

Entrée libre et gratuite.

Exposition – Restitution de la Résidence d’Abdoulaye Ndiaye (Vix Spirit) et d’Ibrahima Balayara

Galerie Les Arts du Soleil – Dakar

Villa N° : 163, Yoff route de l’aéroport, non loin de l’Hôtel ONOMO

Horaires d’ouverture : du mardi au dimanche de 10h-19h (et les lundis sur rendez-vous)

Plus d’infos : https://www.lesartsdusoleil.com/

La Rédaction.

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