Les ethnologues, scientifiques et politiques européens dans leurs entreprises soi-disant « civilisatrices » reléguaient les croyances et pratiques culturelles d’Afrique au rang de superstition, de magie noire et d’archaïsme. Pourtant, loin d’être de la sorcellerie ou de l’affabulation, les spiritualités africaines existent bel et bien et, « ont, pour l’artiste Diakaridia Traoré, des valeurs authentiques et morales très fortes ».
Il est notre Coup de Cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez-vous vous présenter ?
Diakaridia Traoré : Mon nom est Diakaridia Traoré, artiste peintre autodidacte malien, qui vit et travaille à Bamako et membre du Collectif Atelier Badialan 1.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Diakaridia Traoré : Pour moi, l’art ou l’art contemporain n’est qu’un moyen de m’exprimer au-delà des mots, des sentiments, des émotions et des sensations. Il n’a pas d’utilité propre, ni de fonction, il n’est que pure expression.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
Diakaridia Traoré : J’ai commencé à faire de l’art sur le tas, puis un ami m’a présenté à son père (Kora Dembélé) qui m’a confié à l’artiste Souleymane Ouologuem pour qu’il me forme. Je suis aussi passé par l’atelier d’Amadou Sanogo et de Ludovic Fadaïro. Mais je suis encore trop jeune pour dire que je vais consacrer toute ma vie à l’art. Il se peut que tout change demain, on ne sait jamais.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Diakaridia Traoré : On dit que c’est très mal vu de parler de soi et de son travail alors je dirai simplement que je suis un artiste qui se sert de l’art pour exprimer ce qu’il a à dire. Parfois par le dessin, parfois la peinture, ou d’autres fois par la sculpture ou des installations.
Ce que j’aime, c’est d’étudier la réaction des formes et des couleurs entre elles, la transparence des teintures, l’opacité des minéraux et la texture des terres.
Quant à mon écriture, elle est constante évolution. J’ai travaillé au Centre Anw-ko’Art de Bamako, puis avec l’artiste béninois Ludovic Fadaïro et aujourd’hui, je continue de faire des recherches au sein du collectif Badialan 1 avec des artistes comme Amadou Sanogo, Ibrahim Konaté, Hamidou Koumaré, Klemegue Toussaint Dembelé et Mohamed Diabagaté.
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Diakaridia Traoré : Oui, je m’inspire de la vie quotidienne, de la nuit, de la femme, de la musique et de la photographie. Les artistes Mark Rothko, Soly Cissé, Abdoulaye Konaté et Ludovic Fadaïro influencent également beaucoup mon travail.
J’aborde depuis toujours le thème de la spiritualité à travers une seule et unique série intitulée : « Dans le Bar ». Dans mes œuvres, on voit en effet des espaces indéfinissables et intimes avec toujours un ou plusieurs verres de vin sur une table, un banc, qui peut être suggéré.e ou pas. On pourrait se dire qu’on est dans un bar, mais je détourne la fonction traditionnelle du bar pour faire pénétrer les jeunes générations africaines dans le « couvent », les amener à revenir à la source, se reconnecter à nos traditions et rituels et ne pas se laisser influencer au point de considérer sa propre culture comme diabolique. On doit reconnaitre effectivement que nos cultures ont des valeurs authentiques et morales très fortes. Et dans ces croyances et traditions, l’alcool est un medium pour se rapprocher du divin, le caractère secret, intimiste aussi.







Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Diakaridia Traoré : Dans la société malienne à majorité musulmane, c’est très mal vu quand on parle de religions endogènes et d’alcool. Mais légion apprécient positivement ce que je fais et me donnent régulièrement des conseils.
Par contre dans le milieu artistique, c’est 100% d’avis positifs, que ce soit avec des collègues artistes, des amateurs et collectionneurs d’art ou des professionnels du milieu. Je profite d’ailleurs de votre occasion pour remercier Mali Art Club de Kadija Sangho Keita et l’espace Trames au Sénégal qui me soutiennent infiniment.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
Diakaridia Traoré : C’est de rester honnêtes, concentrés et fidèles à ce qu’ils font. Il n’est pas mal d’écouter un peu les gens, mais à un moment donné, vous devez choisir ce qui est bien pour vous et suivre votre voie. Le reste viendra.
Pour plus d’informations sur le travail de Diakaridia Traoré,
- Son compte : Instagram.
La Rédaction.