Un jour, une escale : sept expositions à découvrir à Paris cette rentrée !

Alors que la géante Art Basel vient de se mettre en branle au cœur du Champ-de-Mars, et que la foire AKAA se déploie comme à son habitude au Carreau du Temple, la rentrée culturelle parisienne n’a définitivement pas dit son dernier mot. Profitons de ce bourdonnement d’évènements, de vernissages et d’inaugurations pour jeter un coup d’œil à quelques expositions phares réparties aux quatre coins de la capitale française. Un tour de ville qu’Asakan propose à travers sept expositions — une escale pour chaque jour de la semaine — à ne pas manquer, au musée comme en galerie.

Dédale du pouvoir — Musée du quai Branly

Kehinde Wiley, Portrait de Nana Akufo-Addo, président du Ghana depuis 2017, musée du quai Branly © Tanguy Beurdeley. Courtesy of the artist and Templon © Musée du Quai Branly

Première escale au musée du quai Branly où une exposition inédite signée Kehinde Wiley (né à Los Angeles en 1977, vit et travaille à Brooklyn) vient d’ouvrir ses portes. Sa peinture étant reconnaissable à des kilomètres par sa palette moirée et l’impeccable traitement de sa lumière, Wiley surprend cette fois en troquant ses modèles « anonymes » d’Harlem et de Brooklyn avec onze chefs d’États africains. Pour celui qui, en 2018, s’exécutait à la prestigieuse commande du portrait de Barack Obama, représenter de hauts dirigeants n’est pas une entreprise nouvelle. Or, portraiturer ces dirigeants africains à l’agenda vite rempli a nécessité autant de bons contacts que du temps, c’est pourquoi dix ans ont fallu à l’artiste pour venir à bout de son ambitieux projet.

Révélée pour la première fois au public, l’exposition est donc une plongée inédite dans une décennie de va-et-vient entre les États-Unis et le continent africain, marquée par des moments intimes et, surtout, exclusifs entre le peintre et ses modèles. Devant ces portraits plus grands que nature, auxquels Kehinde fait arborer tous les codes de la peinture d’histoire, les questions sont multiples : que cherchent à nous dire ces dirigeants ? Comment négocient-ils visuellement leur pouvoir ? Quel héritage laissent-ils à la postérité ? La mise en scène du pouvoir, voilà ce que révèle avant tout l’exposition. Le résultat est surprenant, déroutant même devant l’austérité de quelques dictateurs connus, mais l’artiste aura gagné son pari : susciter une réception mitigée, formant elle-même son propre dédale d’interprétations. 

Dédale du pouvoir — Musée du quai Branly
Du 26 septembre 2023 au 14 janvier 2024
37, quai Jacques Chirac, 75007 Paris
 + d’infos : https://www.quaibranly.fr/fr/

Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi — Musée Maillol

Chéri Samba J’aime la couleur (2003), acrylique et paillettes sur toile, 206 x 296,7 cm. © Chéri Samba

Continuons en peinture avec l’exposition Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi que présente le musée Maillol jusqu’en avril prochain. L’exposition est la première rétrospective d’envergure dédiée à l’œuvre de Chéri Samba, né en 1956 à Kinto M’Vuila, en République Démocratique du Congo, l’une des plus importantes figures de la peinture dite « populaire » de Kinshasa.

Quarante ans de création sont ainsi déployés sur les cimaises du musée, offrant un impressionnant étalage des sujets chers à l’artiste congolais.

Ainsi, en plus de ses célèbres autoportraits flirtant avec la dérision, les enjeux géopolitiques contemporains, les questions environnementales, l’appropriation artistique et le grand récit de l’histoire de l’art sont autant de thèmes que portent les 50 tableaux sélectionnés, tous provenant de la collection du franco-italien Jean Pigozzi. L’exposition célèbre à la fois la palette fougueuse et l’œil teinté d’humour d’un Chéri Samba toujours plus acclamé, mais se veut aussi le miroir grossissant de l’admiration d’un collectionneur pour un artiste qu’il a vu grandir et qu’il a dûment soutenu.

Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi — Musée Maillol
Du 17 octobre 2023 au 7 avril 2024
59-61 rue de Grenelle, 75007 Paris
+ d’infos : https://museemaillol.com/

Modern Congo — Galerie Magnin-A

Pili Pili Mulongoy, Sans titre, non daté, huile sur papier, 37 x 52 cm (Bruxelles, Collection Pierre Loos. ©Pili Pili Mulongoy/André Morin).

Parce qu’on ne pourrait évoquer l’œuvre de Chéri Samba et la collection de Jean Pigozzi sans mentionner le galeriste André Magnin, le bras droit du collectionneur pendant vingt-cinq, il convient d’ajouter à l’itinéraire l’exposition Modern Congo qui se tient à la galerie Magnin-A jusqu’au 23 décembre.

L’exposition se concentre sur trente ans d’histoire de la peinture moderne au Congo, mettant en lumière les artistes des périodes 1927-1932 et 1946-1956, cette dernière étant connue sous le nom des artistes dits « du Hangar ». À travers les deux étages de l’espace d’exposition, égayés par des oiseaux nageant, des poissons volants et des scènes de village, s’enchaînent les aquarelles d’Albert et d’Antoinette Lubaki, les huiles sur papier de Pilipili Mulongoy et de Mwenze, les tableaux de Bela, et bien d’autres encore. Modern Congo est une escale obligée pour découvrir, sinon redécouvrir ces années charnières d’impulsion créative au Congo.

Modern Congo — Magnin-A
Du 14 octobre au 23 décembre 2023
118, boulevard Richard-Lenoir, 75011 Paris
+ d’infos: https://www.magnin-a.com/

The King’s Order to Dance – Imane Farès

Intérieur de la galerie Imane Farès. Vue partielle sur …and to those North Sea waves whispering sunken stories II (2021) et The King’s Order to Dance (A) (2023), © Tadzio

Restons dans le contexte congolais, et dirigeons-nous chez Imane Farès où les œuvres de Sammy Baloji (né en 1978 à Lubumbashi, travaille entre Lubumbashi et Bruxelles) transforment l’espace de la galerie.

Sondant l’histoire de l’extractivisme et du transport massif de la flore endogène d’anciens territoires colonisés vers les puissances impériales au 19e siècle, l’exposition The King’s Order to Dance offre des fragments chargés de l’histoire complexe qui unit, avec toutes ses tensions passées et présentes, la République démocratique du Congo et la Belgique. Une installation substantielle trône au cœur de la galerie : … and to those North Sea waves whispering sunken stories (2021).

Cette dernière est à découvrir en parallèle avec une nouvelle série de photographies réalisées durant la résidence de l’artiste à Ypres — ville frontière entre l’Allemagne et les Alliés pendant la guerre de 14-18 — et une archive sonore tirée d’une vaste collection d’enregistrements réalisés avec des prisonniers de guerre congolais durant la Première Guerre mondiale. Aequare. The Future That Never Was, le film de l’artiste, auréolé d’une mention spéciale du jury lors de la Biennale d’architecture de Venise en 2023, est aussi à visionner dans le sous-sol de la galerie.

The King’s Order to Dance – Galerie Imane Farès
Du 9 septembre au 16 décembre 2023
41 rue Mazarine, 75006 Paris
+ d’infos : www.imanefares.com

They Got Time: YOU BELONG TO THE CITY – Thaddaeus Roppac

Alvaro Barrington, ‘The Garden of Dreams, 90s Bulls (M), Oct 2023’. Designed in collaboration with Samuel Begis. Photo: Charles Duprat. ©️ Alvaro Barrington.

Traversons un instant le périphérique et rendons-nous maintenant à l’antenne pantinoise de la galerie Thaddaeus Roppac.

Dans cet ancien bâtiment d’usine, l’artiste Alvaro Barrington (né au Venezuela en 1983 et travaillant à New York) propose une magnifique installation, véritable autoportrait sensible de son enfance et de son adolescence new-yorkaises.

They Got Time : You Belong to the City se veut donc une exploration de la mémoire personnelle et culturelle de l’artiste à travers trois grands chapitres, des lettres d’amour à New York, chacune évoquant des fragments de sa vie en tant que fils d’immigrés grenadiens et haïtiens, ses souvenirs et ses références iconiques qui l’ont inspiré depuis, et que ses œuvres portent jusqu’à Pantin.

They Got Time: YOU BELONG TO THE CITY – Thaddaeus Roppac Pantin
Du 18 octobre 2023 au 27 janvier 2024
69, avenue du Général Leclerc, 93 500 Pantin
+ d’infos : https://ropac.net/

Vaisseau Infini et Ceinture nwar — Palais de Tokyo

Rakajoo, 1982 (2015), huile sur toile, courtesy de l’artiste. Crédit photo : © Stéphane Bisseuil

Direction le Palais de Tokyo où se poursuit notre itinéraire artistique. Parmi les expositions que le centre d’art dévoilait il y a quelques jours pour sa saison automnale, nous retenons les expositions Vaisseau infini de Dalila Dalléas Bouzar (née à Oran en 1974) et Ceinture nwar de Rakajoo (né en 1986 à Saint-Denis).

Vaisseau infini se présente sous la forme d’une grande tente brodée qui, entre espace méditatif, onirique et intime, accueille les publics — ou plutôt ses passagers — autour de réflexions sur l’histoire humaine, ses relations avec la nature et les animaux et ses représentations du genre et des sexualités. Résonnent, au cœur de cet espace de partage, de douces flâneries et de contemplation silencieuse, des podcasts Vintage Arab et une création sonore signée Paloma Colombe.

En parallèle, Ceinture nwar, la première exposition personnelle institutionnelle de l’artiste autodidacte Rakajoo — qui signifie « têtu » en wolof —, invite le public à se mouvoir entre ses peintures, attentif et en alerte, comme dans un ring de boxe — la deuxième arène de travail de l’artiste aussi boxeur professionnel. Relatant les faits marquants de son enfance à la Goutte d’Or et sa découverte précoce des joies du croquis à travers les dessinateurs de la Butte Montmartre, Rakajoo s’interroge sur l’absence de représentation de son histoire afropéenne dans le milieu de l’art. Il nous parle, à travers ses compositions quasi cinématographiques et ses perspectives fuyantes, légèrement tordues, de toutes les écumes d’un monde où être africain et européen se négocie sans cesse.

Vaisseau Infini et Ceinture nwar — Palais de Tokyo
Du 19 octobre au 7 janvier 2024 pour les deux expositions
13, avenue du Président Wilson, 75116 Paris
+ d’infos : https://palaisdetokyo.com/

We Could Be Heroes – Panthéon

Peintures-bannières de Raphaël Barontini représentant des figures de la lutte contre l’esclavage au Panthéon, à Paris. © Quentin Menu.

Enfin, rendez-vous ni au musée ni en galerie, mais bien au Panthéon pour découvrir le dernier grand projet d’envergure de Raphaël Barontini (né en 1984 à Saint-Denis, vit et travaille à Saint-Denis) qui a fait sien le célèbre monument.

Une carte blanche dans ce haut lieu de la mémoire républicaine française où les œuvres monumentales de l’artiste viennent confronter la grande Histoire, où est encore étouffée l’ampleur de l’entreprise esclavagiste européenne, en célébrant des personnalités abolitionnistes connues comme méconnues du grand public.

Les visages d’Anchaing et Héva (La Réunion), Sanité Bélair (Haïti), Louis Delgrès (Martinique et Guadeloupe), Dutty Boukman (Haïti) flottent ainsi de part et d’autre de la nef sous la forme de drapeaux, de bannières et d’œuvres textiles. Une puissante contre-histoire in situ qui joue de la superposition, de la « critical fabulation » et du dialogue avec l’histoire officielle et officieuse pour bousculer les regards et les perspectives, en « créolisant les imaginaires » pour reprendre les mots mêmes de l’artiste.

We Could Be Heroes — Panthéon
Du 19 octobre au 11 février 2024
Place du Panthéon, 75005 Paris
+ d’infos : https://www.paris-pantheon.fr/agenda/we-could-be-heroes-par-raphael-barontini

Anaïs AUGER-MATHURIN.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *