Tara Shakti : conscientiser jusqu’au bout

L’artiste peintre malgache Tara Shakti déconstruit, à travers ses œuvres, la place faite aux femmes dans nos sociétés contemporaines, elle sensibilise contre les violences qui leur sont faites tout en se faisant la porte-voix de la jeune génération et de la préservation de l’environnement.

Tara Shakti, The Keepers of the forgotten wisdom, 202. Huile sur toile, 160 x 360 cm.  

Au nom de la femme

Tara Shakti n’était pas encore née le 28 février 1897 quand en catimini l’armée coloniale destitue la dernière reine de Madagascar, Ranavalona II, et l’envoie en exil entre la Réunion et Alger. Mais les personnages féminins, souvent récurrents, de l’œuvre de Tara Shakti  ont tout l’air de sortir de la famille d’Andrianampoinimerina, premier souverain d’Émyrne, c’est-à-dire du royaume de Madagascar réunifié, en 1787. Leurs silhouettes altières, leurs regards fermes et déterminés, leurs robes aristocratiques, leurs gestes soignés et décidés sur des fonds versicolores renvoient, en effet, à la beauté et à la toute-puissance des femmes de l’île-continent, encore appelé à juste titre l’île rouge.

Ce n’est donc pas pour rien que les harmonies visuelles de l’œuvre de Tara Shakti captivent immédiatement tout regard qui s’y pose. Mais la ressemblance s’arrête là. Car, malgré sa peinture aux airs historiques, l’artiste malgache, de sa fleur de l’âge,  dévoile dans ses œuvres les problèmes rencontrés par les femmes dans les sociétés contemporaines et travaille ainsi à la visibilisation des combats et des histoires de vie des femmes afin qu’elles ne se fanent point ou que les aléas du temps ou que les égoïsmes des hommes n’en altèrent cruellement la portée.

Dans sa série Archives, elle s’est concentrée par exemple sur le cas des femmes face à la servitude humaine. Une manière d’inviter les spectateurs à comprendre comment les femmes de tous âges, de toutes nationalités et de toutes confessions ont été́ contraintes à des rôles de soumission injustifiés pour satisfaire les désirs d’une société́ masculine dominatrice. Comme pour célébrer toutes ces femmes qui, malgré les violences qui leur sont faites, sont toujours présentes à la vie et affrontent vaille que vaille leurs combats quotidiens. Comme pour dire également à toutes ces femmes qui hésitent, avant il fallait que vous vous mettiez dans certaines dispositions pour contenter des humains comme vous mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, plus que jamais, libérez-vous et vivez votre vie !

Tara Shakti, Archives VI, 2020. Huile sur toile, 160 x 120 cm.

…et au nom de l’humanité

« Aujourd’hui, je puise une partie de mon inspiration dans la colère que peut susciter en moi certaines formes d’injustices telles que les violences faites (…) aux plus démunis. », se décrivait bien à propos de sa démarche artistique Tara Shakti dans une récente interview publiée par la plateforme asakan.art. Cela explique que l’artiste ne laisse rien au hasard dans son travail. Elle connait la puissance des images et sait comment sublimer ces personnages comme par exemple dans sa peinture  « Dur Labeur ».

Tara Shakti, Dur Labeur, 2023. Huile sur toile, 100 x 100 cm.  

Son œuvre sonne ainsi également le glas d’une vision coloniale et condescendante de l’Afrique. La force, les traits fiers, l’énergie extraordinaire et les couleurs vivantes de cette jeunesse, qu’elle a choisis de représenter, ne sont pas sans rappeler la philosophie de l’ouvrage « Afrotopia » de l’économiste sénégalais Felwine Sarr : « L’Afrique n’a personne à rattraper. Elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi. Son statut de fille ainée de l’humanité requiert d’elle de s’extraire de la compétition, de cet âge infantile où les nations se toisent pour savoir qui a accumulé le plus de richesses, de cette course effrénée et irresponsable qui met en danger les conditions sociales et naturelles de la vie. ».

Justement, les plus récentes toiles de Tara Shakti traitent de la question des effets du dérèglement climatique et, comme une femme, du rôle crucial que l’Afrique doit jouer en tant que terre première.

Pour en savoir plus, www.tarashakti-art.com.

Oba Shola Akinlabi.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *