Actuellement l’un des quatre principaux artistes béninois que présentera le Bénin, du 20 avril au 24 novembre 2024, pour son premier pavillon national à la Biennale d’art de Venise, Romuald Hazoumè fait la différence sur la scène artistique mondiale depuis les années 90 devenant même l’un des artistes les plus côtés sur le marché de l’art alors que tout était contre lui au départ…
PARCOURS
Romuald Hazoumè est né le 02 février 1962 à Porto-Novo en République du Bénin dans une famille polygame d’origine Yoruba chez qui le culte des ancêtres est tout aussi important que les religions dites révélées. Passant tout son temps au lycée Bèhanzin, voisin de sa maison familiale, Il y rencontre une enseignante de mathématiques de nationalité française qui, avec son mari, va le prendre sous son aile. « Ils m’ont tout appris: travailler à l’école, me tenir à table, respecter les autres, m’exprimer en français. Je voulais devenir médecin. Ils ont cru en moi. ».
Dépité par ses échecs au baccalauréat, il refuse de poursuivre son rêve de devenir médecin et se tourne vers le sport de haut niveau : le judo. Alors qu’il devint un espoir du judo béninois, un accident l’oblige à renoncer à cette nouvelle activité. Dorénavant, il décide de partir en explorateur à vélo sur les routes et les pistes du Bénin, du Togo et du Ghana accompagnée d’une amie tout en se tournant dès lors vers son autre passion, la sculpture et la peinture.
Une compatriote béninoise, Diane Tévodjrè, lui donne sa première chance en lui offrant deux expositions lors desquelles, coup sur coup, toutes ses œuvres trouvent acquéreurs.
Au milieu des années 80, il réalise ses premières sculptures à partir de bidons de récupération en plastique qui après une intervention minimale, deviennent des masques qui relatent subtilement sa vision critique des systèmes politiques africains.
En 1989, sa première exposition au Centre Culturel Français de Cotonou, actuellement l’Institut français de Cotonou, le révèle au public béninois. Au cours de cette exposition, il rencontre André Magnin, le commissaire indépendant et critique d’art français qui va présenter son travail en France et dans le monde entier. C’est surtout, cependant, avec Dream, la contribution spectaculaire qu’il a présentée à la Documenta 12, et par son installation « La bouche du roi » qu’il a acquis une réputation internationale.
C’est aussi le premier artiste à avoir exposé à la Fondation Zinsou, l’un des tout premiers musées exclusivement consacrés à l’art contemporain Afrique. Malgré sa grande ouverture sur les pays occidentaux et ses nombreuses opportunités d’installation hors du continent africain, il reste un béninois attaché à la vie sur son terroir.
PRATIQUE ARTISTIQUE
« Être artiste c’est répondre à un questionnement, et mes réponses ne me satisfaisaient plus. Il fallait que j’aille à la source pour comprendre pourquoi nous avions cette attitude, ce fatalisme… Comprendre pourquoi mes ancêtres Yoruba faisaient des masques : c’est cela qui m’a poussé à faire des Kalétas (masques). Il fallait voir ce qu’il y avait derrière. Je me suis plongé dans le Ifa. Du sud-ouest du Nigeria au sud-ouest du Ghana, on parcourt la région du Ifa. Le Ifa c’est la géomancie divinatoire qui permettait de savoir l’avenir […]. Le travail que j’ai réalisé sur le Ifa m’a fait beaucoup avancer. […] ».
« Après cette nouvelle étape, j’ai commencé à m’ennuyer et je suis revenu aux masques-bidons. Il n’y a aucune rue au Bénin où l’on ne trouve un bidon, du type même que j’utilise : le bidon du trafiquant d’essence. Car à Porto Novo, le trafic d’essence est partout. […]. (Porto Novo, la capitale politique du Bénin, est aussi la capitale du trafic d’essence du pays. 90 % du carburant consommé y transite illégalement en provenance du Nigeria. Il est transporté en pirogue, en tricycle, en camion par des trafiquants). C’est comme cela que je suis devenu photographe, parce que ces bidons, je ne pouvais pas les obtenir facilement […]. J’ai travaillé sur La bouche du roi en filmant tous les jours les trafiquants, ces as de la débrouille, dans leurs gestes au quotidien. Ils vont au marché, achètent des bidons, y mettent de l’essence, et cette essence est utilisée par la population béninoise. ».
En plus des bidons, Romuald Hazoumè assemble des matériaux, rebuts et objets désuets, qu’il utilise tels quels ou qu’il forme ou déforme, pour représenter sa vision de la société, de faits événementiels ou de problèmes planétaires.
Il réinvestit l’Histoire et ses recherches se traduisent dans des œuvres monumentales et percutantes, désignant son engagement contre toutes formes d’esclavage ancien ou contemporain, de colonialisme, de néocolonialisme, de la mondialisation, de l’uniformité culturelle des sociétés qui en résulte ainsi que les vices des classes politiques africaines.
L’artiste explore également la question des migrations et entend changer le regard de la jeunesse sur l’Europe. C’est la raison pour laquelle il a fondé, par exemple, l’ONG BPO (Solidarité Béninoise Pour l’Occident en péril), une organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider les pauvres en Europe.
RÉFÉRENCES
Chez les Yoruba, le masque constitue l’élément fondamental de l’organisation communautaire et de la société traditionnelle. Il retrace l’histoire et les mythes de ce peuple de la naissance d’Odudua, son ancêtre mythique, au départ d’Ilé Ifè de la majeure partie des fils de dernier pour peupler d’autres terres du Nigéria et du Bénin actuels. Le masque célèbre leurs rois et déités ainsi qu’il rend hommage à des personnages importants ou marquants de la communauté.
Des bidons, un clic, quelques gestes, une combinaison, un renversement, suffise à l’artiste pour se réapproprier ce savoir-faire ancestral Yoruba pour révéler des visages. Ainsi, un goulot de bouilloire ou de bidon simule une bouche, une poignée d’aspirateur ou d’arrosoir se transforme en nez. Romuald Hazoumè se joue des stéréotypes liés à l’Afrique et renvoie en beauté à l’Occident les rebuts déversés dans les rues du continent africain.
Dans son travail, l’artiste puise également de manière remarquable dans le vaste corpus de textes et de formules mathématiques particuliers au système de divination Ifa. Divinité de la sagesse et du développement intellectuel, Ifa Orunmila se fonde sur un système de 256 principaux signes interprétés par un devin appelé babalawo à travers l’èsè, un chant divinatoire en langage poétique.
C’est, en effet, autour du Ifa que toutes les histoires, les croyances, la cosmogonie, les habitudes, le sens du collectif, la vie des Yorubas gravitent. Romuald Hazoumè en digne fils de cette culture ne l’oublie pas et s’y inspire plastiquement pour rappeler les valeurs spirituelles sur laquelle toute vie se doit de se fonder aussi bien dans la société Yoruba, béninoise et africaine que dans la société humaine mondiale.
RÉCOMPENSES
Romuald Hazoumè a reçu de nombreuses récompenses dont notamment l’insigne de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République Française en 2022, le prix de la 3e Biennale d’art contemporain de Moscou en 2009, le prix ArnoldBode-Preis de la Documenta 12 de Cassel en 2007 et enfin, entre autres, le prix George-Maciunas-Preis de Wiesbaden en 1996.
ROMUALD HAZOUME EN QUELQUES EXPOSITIONS
Expositions Collectives
2021
- FIAC Online Viewing Rooms
- Oil, beauty and horror in the petrol age, Kunstmuseum Wolfsburg
- Ex Africa – Présences africaines dans l’art d’aujourd’hui, Musée du Quai Branly, Paris, France
2020
- Résonances, Fondation Opale, Crans-Montana, Suisse
- Alpha Crucis: African Contemporary Art, Astrup Fearnley Museet, Oslo, Norvège (curateur: André Magnin)
2018
- 57th October Salon, The Marvellous Cacophony, Belgrade City Museum, Serbie
- Festival Kyotographie, Kyoto, Japon
- D’Afrique aux Amériques, Picasso en face-à-face, d’hier à aujourd’hui, Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), Canada (curateur : Nathalie Bondil)
- African Passions, Palais Cadaval, Evora, Portugal (curateur : André Magnin)
- Everyday Africa ! Fondation Zinsou, Cotonou, Bénin.
Expositions Individuelles
2021
- Romuald Hazoumè, Galerie Magnin-A, Paris, France
- Expression(s) décoloniales(s) – Musée d’histoire de Nantes, Nantes, France
2020-2021
- Welcome home II, MACAAL, Marrakech
2018
- Romuald Hazoumè, Galerie Gagosian, New York, USA
2016
- Romuald Hazoumè, Galerie 59pm, Bruxelles, Belgique.
2015
- Art et développement durable, vol. 4 : Romuald Hazoumé, Mobilière Suisse, Berne, Suisse
- Arè, Fondation Zinsou, Cotonou, Bénin
- Romuald Hazoumè: Dance of Butterflies, Manchester Museum, Angleterre.
COLLECTIONS
- Barbier Muller Collection, Genève
- C.A.A.C.-The Jean Pigozzi Collection, Genève
- Collection Agnès b, Paris
- Desmoines Art Center, Des Moines, Iowa
- The Robert Devereux Collection, Londres et Nairobi
- The British Museum, Londres
- La Fondation Zinsou, Cotonou
- Queensland Art Gallery | Gallery of Modern Art, Brisbane
- Museumslandschaft Hessen, Neue Galerie, Kassel
- National Museum of African Art, Smithsonian Institution, Washington D.C.
- Emdash Foundation
- The Walther Collection
- Toledo Museum of Art, Toledo, Ohio
- Die Mobiliar Collection, Bern
- Traboulsi Collection, Genève
- Musée des Beaux-Arts Montréal
- Astrup Fearnley Museet, Oslo
- The Menil Collection, Houston
- Fondation LVMH, Paris
- The Museum of Modern Art, New York
- The New Art Gallery Walsall, Walsall et Birmingham Museums Trust, Birmingham
- Collection David Bowie
- The Brooklyn Museum, Brooklyn
- Permanent collection of the US Embassy, Cotonou.
ACTUALITÉS
Depuis le 02 juin dernier et ce, jusqu’au 8 octobre 2023, l’œuvre de Romuald Hazoumè est présentée dans l’exposition « Freedom without Borders. From Appel to Basquiat », une exposition – point culminant de cette année anniversaire au cours de laquelle est célébré le 75e anniversaire du mouvement international Cobra (1948 – 1951).
La Rédaction