Ses fameux portraits convoquent le féminin pour façonner une nouvelle image de l’Afrique. Celle d’un continent tout en couleur où mouvement et communication riment avec une terre de tous les possibles.
Rencontre avec une artiste talentueuse éprise d’’Afrique et notamment du Sénégal.
Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
Alice Bourgeois : Je m’appelle Alice Bourgeois, j’ai 41 ans.
J’ai grandi au Sénégal où mon père était professeur aux Beaux-Arts de Dakar. J’ai eu la chance de baigner très tôt dans un univers artistique très fort et de connaître des personnages importants comme Joe Ouakam, Ousmane Sembene, Oumou sy, Ousmane Sow ou encore Ernest Pignon pour ne citer qu’eux. Ce sont, pour moi, les années les plus importantes de ma vie car c’est à partir de là que j’ai eu envie de devenir artiste.
Je vis actuellement en région parisienne mais fait des aller- retours entre Paris et Dakar où je viens de participer à la 14ème édition de la Biennale de Dakar.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art? Et comment percevez-vous l’art contemporain ?
Alice Bourgeois : Pour moi, l’Art est un moyen de communication très fort où les lignes, les couleurs, les formes et les sujets remplacent les mots pour créer un langage universel. L’Art contemporain est devenu très vaste dans ses champs de représentations et d’investigations. Il est ancré dans le présent pour être un témoignage pour les générations futures.
J’ai une préférence pour l’Art contemporain africain plus qu’européen, ce dernier devenant pour moi un peu trop codifié et élitiste dans le sens où si l’on n’a pas eu la chance de baigner dans un univers artistique il est moins accessible à tous. Cette question d’accessibilité est très importante pour moi car l’Art ne doit être le privilège d’aucune élite. Quand je “rencontre” une œuvre, j’ai besoin d’avoir un choc émotionnel instantané et non d’avoir l’obligation de lire un texte de deux pages pour la comprendre.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
Alice Bourgeois : Je l’ai su très tôt enfant en passant mes après-midi dans l’atelier de mon père à l’école des beaux-arts de Dakar. J’avais fait une place dans son atelier où je pouvais venir m’exprimer à tout moment. Cela ne m’a jamais quitté depuis.
Asakan : En tant qu’artiste, comment vous définiriez-vous ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Alice Bourgeois : Je pense être une artiste contemporaine ancrée dans les problématiques de mon époque bien que travaillant sur des figures du passé mais dont les problématiques sont malheureusement toujours contemporaines.
On peut me qualifier également d’artiste engagée. J’ai été en Palestine dans les camps de réfugiés où j’ai réalisé un carnet de voyage et une série de portraits de femmes que j’ai rencontrées. Plus récemment, j’ai travaillé sur des portraits de femmes Afghanes et ukrainiennes.
Mon empreinte artistique est venue à force de persévérance, de test multi-supports et multi techniques ainsi que des rencontres ou encore de lectures que j’ai pu faire. Cela ne veut pas dire que cette empreinte va rester figée. Elle peut être amenée à changer, évoluer suivant ce que j’ai à dire. Et j’ai beaucoup de choses à dire…
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Quel est votre rapport aux thèmes qui ressortent dans vos tableaux ?
Alice Bourgeois : Mes inspirations artistiques me viennent des grandes figures féminines africaines (ou non) qui ont été effacées de l’histoire et qui reviennent sur le devant de la scène grâce à des gens soucieux de leur redonner leur place. Dans ce sens, mes sujets de prédilections sont les Signares, les Amazones du Dahomey, les Siamoises ou encore Frida Kahlo. Je vais bientôt commencer un travail sur Antigone de Sophocle. Ce sont des femmes fortes qui ont fait l’Histoire de leur pays où qui se sont battues pour exister.
Je dois leur ressembler un peu puisqu’elles m’inspirent constamment, mais surtout, ce sont pour moi des modèles de sororité et de représentations universelles des combats que les femmes mènent ou doivent mener.
Pour ce qui est des artistes : le travail d’Omar Victor Diop me parle beaucoup, il est pour moi le Cindy Sherman masculin; j’aime également les travaux de Louise Bourgeois, Prune Noury, Simone Leigh, JR ou encore Zanele Muholi que j’ai eu la chance de rencontrer, de faire et de lui offrir son portrait lors de ma participation à Akaa Fair au Carreau du temple en 2020, juste avant la pandémie.
Lors de la Biennale de Dakar j’ai eu un gros coup de cœur pour Fally Colobane et Alioune Diagne. Pour moi, le point commun de ces artistes est leur volonté d’ancrer l’Humain et l’Histoire dans l’histoire de l’art.
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Alice Bourgeois : Je reçois un grand soutien de gens que je rencontre lors de mes événements. Dans la rencontre, il y a en général deux temps, les spectateurs sont attirés par l’esthétisme de mes toiles/dessins, puis agréablement surpris du discours et de la démarche qui en découlent.
Quand on regarde pour la première fois mes œuvres, on perçoit un univers et un trait qui pourrait paraître assez naïf alors que le discours ne l’est pas du tout. Je pense que c’est la réunion de ses deux éléments qui séduit le public, c’est-à -dire l’esthétisme/démarche et le discours.
Depuis AKAA Fair et la Biennale de Dakar, j’ai plus de visibilité et j’ai acquis plus de crédibilité auprès du monde artistique professionnel. Le regard est toujours bienveillant et encourageant.
Pour plus d’informations sur le travail d’Alice Bourgeois, rendez-vous sur :
- Sur le site de ART KELEN, Dubaï, Emirats Arabes Unis (E.A.U) ;
- A la Maison Verte, Dakar Sénégal ;
- Sur ses réseaux sociaux Instagram, Facebook et LinkedIn.
Propos recueillis par : Olaréwadjou Elvis LALEYE.
Article publié pour la première fois sur le Medium d’Asakan en septembre 2022.
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