Njideka Akunyili Crosby faisait déjà partie des artistes d’Afrique les plus côtés depuis 2019. Parmi ses œuvres les plus remarquables et remarquées, on peut noter : Wedding Portrait (2012) et Portals (2016) respectivement acquises par le Musée d’Art Moderne de San Francisco en 2013 et par le Whitney Museum of American Art en 2016, une autre issue de la série The Beautiful Ones (2012) adjugée pour la somme de 3 millions de dollars lors de la vente aux enchères du 7 mars 2017 à Londres chez Christie’s ou encore Mother and child (2016) qui est entrée en 2017 dans les collections du Metropolitan Museum of Art de New York.
Parcours
Njideka Akunyili Crosby est née à Enugu, au Nigeria, en 1983. C’est à l’âge de 16 ans qu’elle quitte son Nigeria natal pour étudier aux Etats-Unis après avoir été élève dans l’un des pensionnats les plus prestigieux de Lagos. Elle étudie à Swarthmore College où elle rencontre son futur mari, Justin Crosby, originaire du Texas et lui aussi artiste. À l’Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie, elle poursuit ses études supérieures artistiques, dont elle sort diplômée. En 2011, elle obtient un Master de l’École des Beaux-Arts de Yale. L’artiste reste aux États-Unis qui devient son pays d’adoption. Elle participe à une résidence d’artiste en 2015 au Studio Museum in Harlem, haut lieu de promotion et de soutien aux artistes afro-américain.es, caribéen.nes et d’Afrique qui conserve dans ses collections nombre de leurs œuvres réalisées entre le 19ème et 20ème siècle. Aujourd’hui, l’artiste vit et travaille à Los Angeles. Elle est représentée par les galeries de renommée mondiale que sont Victoria Miro et David Zwirner.
Pratique Artistique
Plusieurs de ses travaux montrent sa famille et ses amis dans des scènes de vie qui semblent familières. Par exemple, les personnages peuvent être à table en train de boire ou de regarder la télévision. Il y a aussi des moments encore plus intimes que l’artiste met en scène, en ouvrant la porte de la chambre à coucher de son couple. Dans la plupart de ces œuvres, les regards des personnages croisent rarement celui du spectateur. Néanmoins, c’est comme si ces personnages étaient surpris dans des moments d’intimité ou de réflexion.
Références
Outre l’hybridation manifeste de sa pratique artistique qui mêle dessin, peinture, collage et textile avec des tissus wax, les registres de références sont pluriels. Parmi les images utilisées, certaines sont des reproductions de photographies venant des archives personnelles de l’artiste, d’autres sont des photocopies diluées à l’acétone qui sont extraites de magazines nigérians, de publicités et d’internet.
Ces fragments d’archives privées et publiques réunies au sein de son œuvre renforcent la métaphore visuelle de l’hybridation qui, à travers ces différentes strates, révèle une pluralité de récits, tout autant singuliers qu’universels. Ensemble, ils relatent non seulement l’histoire de l’artiste, mais aussi celle de toute une génération, plus spécifiquement, celle à laquelle elle appartient. Selon l’artiste, cette dernière se retrouve dans le terme afropolitan, popularisé en 2005 par l’essai de Taiye Selasi, Bye-Bye, Babar (or: What is an Afropolitan?). Paru dans le numéro Afrique du magazine LIP en mars 2005, son propos consiste à définir une identité, une sensibilité et une expérience afropolitaine qui peut aussi se rapprocher de l’idéologie du panafricanisme. Njideka Akunyili Crosby en retient la manière de nommer une génération qui, partie pour les études ou pour le travail, a forgé son identité en mêlant sa culture d’origine à celle de son pays d’adoption. Les afropolitain.es partageraient ainsi une expérience commune.
Ses personnages et ses mises en scène s’inscrivent au cœur d’une zone d’entre-deux, le «troisième espace», tel que le définit le théoricien post-colonial Homi K. Bhabha. Cet espace est le point de chevauchement et de mélange des cultures ainsi que des influences, propres aux communautés noires africaines. Pour l’artiste, son mariage est devenu ce «troisième espace», notamment, lorsqu’elle est retournée au Nigéria pour se marier avec Justin Crosby.
Dans son iconographie, l’entremêlement des références aux cultures américaine et nigériane crée un univers nouveau. On y retrouve des figures récurrentes comme le visage de l’actrice populaire Nollywood Genevieve Nnaji, les portraits des avocats au Nigéria, reconnaissables par le port de la perruque traditionnelle blanche, vestiges de la présence britannique. Il reprend aussi la figure de la petite fille en blanc, toute endimanchée, qui n’est autre que l’artiste enfant lors de sa première communion. Elle explique utiliser souvent cette image pour sa charge traditionnelle et sa valeur symbolique, ainsi que pour ce qu’elle dévoile de ces nouvelles traditions nées de l’imitation de celles apportées par une civilisation dite dominante, installée dans un pays colonisé. Par le biais des cheveux, elle continue d’interroger la notion de tradition. Pour l’artiste, lorsque les coiffures sont renommées et ré-actualisées, – entre leur esthétisme, leur signification traditionnelles et ce qu’elles disent de la classe sociale de la personne qui les porte aujourd’hui – elles deviennent une hybridation d’elles-mêmes.
En croisant l’ensemble de ces références, de ces registres, de ces photographies personnelles ou d’archives publiques qui rappellent son vécu et celui de ses aïeux, Njideka Akunyili Crosby convoque les générations qui ont connu le Nigéria en tant que colonie britannique, celles qui ont vécu l’indépendance en 1960 et celles qui ont assisté aux premières élections démocratiques en 1999.
Aussi, l’artiste emprunte et utilise le langage visuel et les traditions de la peinture académique occidentale qu’elle a étudiée lors de son passage aux Beaux-Arts de Pennsylvanie. La composition de l’œuvre The rest of her remains (2010) est directement inspirée de celle de L’homme mort (1864) d’Édouard Manet. En reprenant les mêmes procédés de l’œuvre du maître français, à savoir la couleur et la composition, comme références culturelles, elle crée un lien entre son travail contemporain et l’histoire de la peinture.
Récompenses
L’artiste nigériane a été récompensée à de nombreuses reprises. Elle remporte, notamment, le prix d’art contemporain James Dicke du Smithsonian American Art Museum en 2014, le Prix Canson et entre dans le classement des femmes de l’année établi par le Financial Times en 2016. Elle a également participé à la Biennale de Venise de 2019.
Njideka Akunyili Crosby en quelques expositions
Collectives
2020
- I am… Contemporary Women Artists of Africa, Smithsonian National Museum of African Art, Washington, D.C.
- The Power Of My Hands, Musée d’Art Moderne, Paris, France.
2019
- May You Live In Interesting Times, La Biennale de Venise
- Rock My Soul, Victoria Miro Gallery, Londres.
- Black Refractions: Highlights from The Studio Museum in Harlem, exposition itinérante du Museum of the African Diaspora de San Francisco.
Solo
2019
- The Beautyful Ones, National Portrait Gallery, Londres
- The Beautyful Ones, Victoria Miro, Venise.
Actualités
En 2021, l’œuvre de Njideka Akunyili Crosby a été présentée dans le troisième volet d’une trilogie d’expositions personnelles organisée par l’auteur et critique lauréat du prix Pulitzer, Hilton Als au Yale Center for British Art, dans le Connecticut. Elle est également l’une des lauréat.es 2021 de la bourse pour les arts visuels de la Fondation United States Artists.
Article publié en mars 2021.