Coup de Cœur avec l’Artiste peintre guinéenne Fatoumata Kouyaté alias Lettres Vagabondes Fatou-Mata

Entre poésie, peinture et droit, notre Coup de cœur de la semaine décline depuis quelques années une œuvre puissante et colorée dans un objectif de nous amener à nous interroger sur le monde et les problématiques de durabilité qui sont plus que jamais d’une urgence existentielle pour l’humanité.

Coup de cœur.

Lettres Vagabondes Fatou-Mata

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Je m’appelle Fatoumata Kouyaté. Je suis une artiste guinéenne qui peint et dessine, et qui est fondatrice et auteure des Lettres Vagabondes Fatou-Mata. Je travaille avec des médiums comme l’acrylique, le pastel sec et à l’huile et le fusain. Je milite également pour les causes féministes, environnementales et culturelles.


Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : L’art, pour moi, est un moyen d’expression, d’existence et d’éternisation de l’existence. D’une part, L’expression artistique se caractérise en l’individu par l’inconscient et l’authentique ; d’autre part, par la capacité, le contrôle que l’apprentissage, le temps et la pratique lui concèdent. L’art, à la fois création et procédé, me semble être un élément “blasphème” par le toupet qu’il a de rivaliser avec la création de Dieu. Il lie les humains à travers leurs émotions. Léonard de Vinci exhortait d’ailleurs à faire en sorte que le tableau soit “une ouverture sur le monde “ afin de produire l’élan vital.

J’ai une approche assez minimaliste de la contemporanéité.  Les œuvres de mon époque et les artistes proches de ma génération sont mes contemporains. L’œuvre contemporaine est l’œuvre de mon temps.

De manière conceptuelle, c’est un courant d’expressivité correspondant aux réalités des artistes et constituant un renouveau depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Pour l’Afrique, l’essor a été un peu plus tardif vers les années 80. Toujours est-il qu’il ressort de ces créations “jeunes” un caractère transversal, libéré, décomplexé et fédérateur car quasiment tous les médiums leur servent. Sur le continent, la période contemporaine est d’autant plus un temps fort pour s’affranchir de l’essentialisme trop que trainé, des clichés primitivistes, des créations d’arts premiers ou d’injonctions faites d’avoir une approche historique et eurocentrée de l’art.


Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Ma vie est chargée d’art. Petite déjà, je rêvais d’être une artiste sans véritablement comprendre pourquoi. J’aimais dessiner, penser et écrire. Au lycée et à l’université, je n’avais aucune perspective concrète et sérieuse par rapport à ce domaine.  Chez moi, en Guinée, l’art n’est pas valorisé, contrairement à Dakar par exemple. Le manque d’espaces culturels ne sauve pas l’optique d’y être un artiste comme on rêverait d’être juriste, médecin, économiste. Je suis véritablement sortie de ma zone de confort ici en France en publiant mon travail sur les réseaux sociaux. Des amis m’ont soutenue et convaincue d’en faire un métier. Et depuis je me bats pour que ça fonctionne.


Lettres Vagabondes Fatou-Mata, La vague, 2023. Acrylique sur toile en lin, 60 x 60 cm.

Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Dans l’ère contemporaine, j’appartiens à la famille intimiste, conceptuelle, réaliste et abstraite. Lettres Vagabondes FM x L’Être vagabonde FM est un art décomplexé, libre en lettres, en thématiques ou en médiums. Je suis une artiste africaine très axée sur les problématiques de durabilité comme la protection de l’environnement, la culture durable, les droits des femmes… Plusieurs séries comme Demba Diala: Traits Portrait; Demba Diala 2: Identités, minorités et femmes abordent ces questions.

Lettres Vagabondes Fatou-Mata, Denin Mœba, Série Demba Diala/ Traits Portrait, 2018. Pastel sec et fusain sur pastel mat, 30 x 40 cm
Lettres Vagabondes Fatou-Mata, Töma Rieur, Série Demba Diala 2 : Identités minorités, femmes, 2022. Acrylique sur lin, 30 x 40 cm.

Car mon art se veut utile, avec un narratif engagé qui participe à l’enrichissement de la bibliothèque africaine via la production littéraire sur les cultures africaines, le regard sur la méthode artistique et la philosophie de l’art d’une africaine de son époque.

Si au départ, j’étais déjà autrice des Lettres Vagabondes Fatou Mata, j’ai ajouté la phase plastique intitulée L’Être vagabonde FM que je développe avec Kankou Fofana ma formidable agente qui a également fondé « Droit Accessible », une Legaltech qui fournit des services juridiques aux artistes et aux entrepreneurs, et vulgarise l’information juridique en Afrique, particulièrement dans les pays de l’espace OHADA. Ensemble, nous portons ce narratif idéologique et intimisme marqué par un visuel coloré et vivant. Nous sommes sans cesse en quête de nouvelles opportunités et de nouveaux challenges pour nous développer et progresser.


Lettres Vagabondes Fatou-Mata, La Malkiane cratère, Série Réchauffement climatique, 2023. Acrylique et sable sur lin, 27x 35 cm.

Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Pour peindre, je tire mon inspiration de mes lectures, de mes textes, et de mes interactions et brainstorming avec le monde et des valeurs auxquelles je crois fortement.

Je suis très passionnée par le travail de Jean Michel Basquiat, sa vie et la place qu’il a accordé aux arts et codes africains dans sa recherche plastique. Peut-être aussi que les artistes du courant impressionniste comme Claude Monet, Manet, Kupka m’influencent en quelques aspects de mon travail. Frida Kahlo dans le surréalisme, dont l’autoportrait, la douleur sont des éléments caractéristiques de son art. Pierre Soulages à travers son travail monochrome. En Afrique, je suis de près des artistes contemporains comme Amoako Boafo dont je trouve l’engagement et la technique fabuleux. Je pense que ça va être un tournant pour les prochaines palettes que je vais constituer.

En général, j’aime retranscrire les émotions. Ma peinture est l’expression de ma grande empathie pour le monde. J’aime décrire les réalités qui me touchent telles que les inégalités, les catastrophes humaines et naturelles. J’aime décrire le monde en restant éloignée de l’opportunisme qu’une certaine Afrique problématique pourrait inspirer.


Lettres Vagabondes Fatou-Mata, Dracarys, 2022. Acrylique, sable et sel sur Lin, 61 x 50 cm.

Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Après quelques expositions comme celles organisées par l’artiste ANNEM SAME « entre visible et invisible » et « les visibles » : lumières et formes » ou par exemple DEMBA DIALA : Traits Portraits au Salon du livre Africain de Paris, Nous retenons que pour le public africain notamment que notre travail décomplexe l’art, le rend accessible, lisible et le plus identifiable possible du fait de notre approche chromatique qui intensifie les couleurs. Il ressort également la lecture d’un art très engagé à la faveur d’un narratif accompagnant chaque projet et la diversité des thèmes abordés qu’on défend avec énergie et méthode.

A ce titre, j’ai notamment reçu le Prix Mory Kanté de l’engagement culturel en Afrique et en Guinée à l’occasion de la première édition du festival Nimba à Lille.

Dans le milieu artistique, j’ai reçu un accueil chaleureux d’une fourchette d’artistes africains issus de la diaspora. C’est très encourageant de savoir que ma démarche est comprise et acceptée en tant que telle. Récemment, nous avons collaboré avec des acteurs du 7ème art pour l’avant-première du film documentaire « Je Suis Noire, Je Suis Belle ». La réalisatrice, Sabrina Onana a trouvé que notre travail illustre parfaitement l’idée du documentaire. Nous espérons gagner encore plus en prestige et masse critique dans ce milieu.


Lettres Vagabondes Fatou-Mata, Exposition Annem Same : Les visibles, lumières et formes, 2023.

Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?

Lettres Vagabondes Fatou-Mata : Je conseille à tout jeune africain désirant se lancer de manière professionnelle de s’informer, d’oser et d’être rigoureux dans la production. Qu’il n’hésite pas à bousculer des portes et sortir de sa zone de confort. L’art africain est un domaine vaste, riche mais sous investi. Il est temps que la donne change. Les artistes africains ont des choses à défendre, un monde à raconter et une place importante à occuper.


Pour en savoir plus sur le travail de Lettres Vagabondes Fatou-Mata,

            •           Instagram : @lettres_vagabondes_fatou_Mata

            •           Facebook: Lettres Vagabondes Fatou Mata

            •           Twitter: @fatou_lettres

            •           ANNEM SAME

            •           Interview exposition salon du livre africain

La Rédaction.

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