Récemment finaliste du David Shepherd Wildlife Artist of Year 2023, un concours international d’art contemporain, notre Coup de Cœur de la semaine propose une pratique artistique en harmonie avec son époque et, surtout, son environnement de vie par le seul moyen d’un crayon au graphite. Résultat : des œuvres dévoilant, suspendus dans le vide, l’ossature gracile et la dynamique créative de notre monde où tout est merveille pourvu qu’on sache prendre le temps de savoir regarder, de contempler.
Coup de cœur.
Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
Capucine Minot : Je m’appelle Capucine Minot. J’ai 34 ans. Je suis mariée et mère de deux enfants, bientôt trois. Nous sommes installés à Abidjan depuis six ans et j’y exerce le métier d’artiste-dessinatrice.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’Art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Capucine Minot : L’Art, de mon point de vue, c’est s’inspirer du monde qui nous entoure pour en exprimer une vision, en montrer les plus beaux aspects ou au contraire en dénoncer les plus obscurs. L’Art permet ainsi de véhiculer des messages. Sensibiliser. Interpeller. Faire réfléchir. Appeler la curiosité. Offrir une échappée… En créant une œuvre, l’artiste s’adresse au spectateur, lui propose de s’arrêter un instant, prendre le temps d’observer, écouter, ressentir le message qu’il souhaite adresser. L’Art s’exprime sous une multitude de formes. L’Art transporte, questionne, invite au voyage intérieur et éveille les sens. Il permet aussi de donner vie à ses idées.
Je suis fascinée par toutes les formes d’Art Contemporain. Par la créativité inépuisable des artistes, par la complexité des installations et des techniques, par le génie qui donne corps à une simple idée. J’ai la chance de vivre en Côte d’Ivoire et de découvrir chaque jour de nouveaux artistes aux talents fous. J’aime la diversité des techniques, l’éclat des couleurs, l’originalité et l’ingéniosité de leurs œuvres. Je suis heureuse que cet aspect précieux de la culture ivoirienne puisse être exporté et rayonner à l’international.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
Capucine Minot : Je crois qu’au fond de moi, je l’ai toujours su. Depuis mon enfance, ma mère n’a cessé de me répéter : « Tu es une artiste, Capucine ». Et cette phrase a raisonné en moi tout au long de ma vie, comme un objectif, comme un idéal à réaliser. J’ai toujours consacré beaucoup de temps à l’Art sous toutes ses formes : le dessin, la peinture, la danse, la musique… Malgré tout je n’ai pas suivi cette voix à ma sortie du lycée, certainement par manque de confiance en moi. J’ai intégré une école de commerce et me suis spécialisée en Marketing du Luxe, c’était là le secteur qui me rapprochait le plus de l’artisanat, des métiers d’art. J’ai donc travaillé en Marketing pour de très belles Maisons comme par exemple Chanel. J’y ai beaucoup appris et j’y ai vécu de très belles années. Mais je sentais au fond de moi une aspiration vers autre chose. Et cette aspiration a fini par l’emporter sur tout le reste, comme une nécessité. Dessiner, pour me sentir vivante, et en faire plus qu’une passion : un métier.
Asakan : En tant qu’artiste, comment vous décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Capucine Minot : D’un point de vue technique, je réalise mes dessins au crayon graphite dans un style réaliste, bien que retranscrire la réalité ne soit pas un but en soi. Si mes dessins peuvent avoir un effet photographique, je cherche surtout à y amplifier la beauté par la matière.
Au début de ma carrière, je réalisais des dessins de maisons et de monuments. Et dès cette période, je me suis intéressée à la matière minérale, des murs de briques aux pierres de taille, aux toits de taule ou de chaume, ainsi qu’à toutes les matières végétales qui entourent ces lieux… Puis, j’ai élargi les thèmes que je dessinais. Des animaux aux voitures de sport, des portraits à la lune, je me confrontais à de nouvelles textures. A chaque nouveau dessin, il fallait trouver la technique adaptée pour rendre la matière la plus réaliste possible, s’inspirer, observer, puiser des trésors d’ingéniosité pour retranscrire et magnifier la réalité, c’était passionnant !
Aujourd’hui, plus je dessine et plus je m’attache aux détails car ce sont en eux que résident le pouvoir et les secrets de la matière. Alors ces détails, je les identifie, je les observe sous tous leurs aspects. Je retranscris leurs traits, leurs ombres et leurs lumières pour montrer ce qu’il y a de plus beau dans chaque objet. J’ai choisi de représenter ces objets seuls, à l’état brut, suspendus dans le vide, dans des nuances de blanc dont seul le papier a le secret. Dans un monde habité par une mise en scène perpétuelle qui nous perd, l’œil peut, en effet, ici se concentrer sur l’essentiel.
Enfin, pour terminer sur les détails, ce que je trouve le plus fascinant dans mon approche, c’est de travailler à cette échelle de l’infiniment petit pendant des heures, des jours, des semaines voire des mois, puis de prendre du recul et contempler ce que l’ensemble de ces détails forme entre eux : une réalité sublimée, une ode à la matière.
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Capucine Minot : Je m’inspire de tout ce qui m’entoure. Je suis toujours dans l’observation de mon environnement, curieuse de découvrir ce qui pourrait influencer mes prochains dessins. Mon regard est attiré par les contrastes, les textures. J’analyse constamment ce que je vois, j’imagine l’effet que tel ou tel objet pourrait donner sous mes crayons. Pour cela, la vie en Côte d’Ivoire est une formidable source d’inspiration.
Le rapport au temps est aussi central que la matière dans mes dessins. Nous sommes dans une période où l’on veut, où l’on doit tout faire vite, trop vite. Travailler, voyager, apprendre, grandir… Nous courons après le temps et pourtant nous en perdons plus que jamais, notamment sur les écrans. A vouloir être trop connecté, nous nous déconnectons de la vie réelle. Dans mes œuvres, je cherche à modifier ce rapport au temps. Tout comme le sujet de mon dessin, suspendu dans son espace et dans son instant, le temps se suspend lorsque je dessine. Les minutes, les heures n’existent plus. L’infinité de détails de mes dessins invite aussi le spectateur à s’arrêter, prendre le temps d’observer ces objets qu’il connait pourtant déjà, d’en explorer les beautés, de s’en émerveiller.
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Capucine Minot : Je dirais qu’à première vue, les spectateurs sont attirés par le réalisme de mes dessins. Puis lorsqu’ils s’attardent à observer de plus près, ils découvrent l’infinité de détails qui les composent, invitant alors à déceler les différentes strates de dessin et offrant une perspective nouvelle. Ils se prennent alors au jeu du temps suspendu et s’attellent à leur tour à observer le moindre détail, la moindre nuance, le moindre trait de crayon.
Le public est également surpris par le matériel que j’utilise. « Vous travaillez exclusivement au crayon ? » est une question qui m’est régulièrement posé. En effet, j’utilise un outil classique, le crayon de papier, qui est le plus souvent utilisé pour faire des esquisses, des sketchs rapides sur un papier léger. On en a aussi l’image du fameux crayon HB que l’on utilise à l’école. Ici, j’en détourne l’usage pour créer une œuvre authentique. Le style très détaillé et figuratif de mes dessins peut s’apparenter à la gravure qui se veut classique. J’en prends justement le contre-pied pour créer des œuvres modernes.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
Capucine Minot : Je pense que l’une des clés pour un artiste est notre curiosité, notre ouverture au monde. Marcel Proust disait : « Le vrai voyage ce n’est pas de chercher de nouveaux paysages mais un nouveau regard », cela résume également le travail de l’artiste. Apporter un nouveau regard, une interprétation singulière à ce que l’on connait déjà, et le transcender à travers son art. Puis, croire en soi, en sa propre voix.
Pour plus d’informations sur le travail de Capucine Minot, rendez-vous sur son :
- Site internet www.ateliercapucineminot.fr
- Sa page Instagram www.instagram.com/ateliercapucineminot
- Et, sa page Facebook www.facebook.com/ateliercapucineminot
La Rédaction