Amateurs d’art, ne ratez pas le Dak’Art 2024 !

On a beaucoup parlé en mai-juin derniers du report de la Biennale de l’Art Africain Contemporain de Dakar. Pour certains, elle pourrait même ne pas avoir lieu en novembre comme annoncé. Mais la 15ème Édition du Dak’Art a effectivement démarré depuis ce jeudi 07 novembre à Dakar, la capitale sénégalaise et ce, jusqu’au 7 décembre 2024.

Œuvre de Sokari Douglas Camp (Nigeria), l’une des 58 artistes
de l’Exposition Officielle Internationale de la Biennale de Dakar 2024

Placée sous le thème « The Wake, L’Éveil, Le Sillage, Xàll Wi», elle est devenue en quelques jours, l’événement où se presse en liesse le tout-Dakar, les professionnels de l’art, les visiteurs internationaux et, en particulier, la jeunesse africaine.

Et qu’y découvre-t-on au juste ? Des œuvres tous médiums confondus d’artistes d’Afrique et de sa diaspora bien sûr, autour d’expositions réparties de l’ancien palais de justice au Musée des Civilisations Noires en passant par la Galerie Nationale du Sénégal sous la direction artistique de la curatrice franco-sénégalaise Salimata Diop (37 ans).

Par exemple, à l’ancien palais de justice, au Cap Manuel, on retrouve du hall principal au premier étage, l’Exposition Officielle internationale de la Biennale qui réunit les propositions artistiques de 58 artistes au nombre desquels Adel Abdessemed de l’Algérie, Sara Al Tatanwy de l’Egypte, Clay Apenouvon du Togo et de la France, Oumar Ball de la Mauritanie, Sonia Barrett de la Jamaïque et du Royaume-Uni, Arébénor Basséne et Mad Pixel du Sénégal, Ama Be du Ghana et des Etats-Unis, Younès Ben Slimane de la Tunisie, Sènami Donoumassou du Bénin, Sokari Douglas Camp du Nigeria, Tahir Carl Karmali du Kenya et des Seychelles,  Madeleine Wilfried Mbida du Cameroun, Primo Mauridi et Martin Lukongo Masudi de la République Démocratique du Congo, Tuli Mekondjo de l’Angola et de la Namibie, Maya Mihindou du Gabon, Jake Michael Singer et Siwa Mgoboza de l’Afrique du Sud, Ronald Odur de l’Ouganda, Nengi Omuku du Nigeria, Abdou Ouologuem du Mali et Agnès Brézéphin de la France. Entre installation, sculpture, peinture, réalité virtuelle, photographie, arts sonores et vidéos, ils abordent divers sujets allant des réalités économiques et sociales du continent aux aspirations écologiques, spirituelles et esthétiques.

Leurs œuvres côtoient dans une scénographie soigneusement aménagée celles de l’hommage rendu cette année à la doyenne Anta Germaine Gaye. Artiste, professeure d’éducation artistique à la retraite, femme et idole pour ses pairs, Anta Germaine Gaye magnifie l’élégance des femmes de Saint-Louis du Sénégal, sa ville de naissance, dans un « mariage du fer et du verre qui traduit un souci de fixer l’attirance naturelle du positif et du négatif comme pour nous inviter à une philosophie de la tolérance et de la jonction des efforts. », selon les mots de l’ancien professeur d’esthétique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et critique d’art feu Iba Ndiaye Diadji dans son ouvrage intitulé « Anta Germaine : Le don de beauté » paru en 1999.

Partageant le même espace du rez de chaussée de l’ancien palais de justice de Dakar, entre les salles A et B, l’exposition des Commissaires Invitées, Dr Kara Blackmore, Cindy Olohou et Marynet J., met en lumière les réalités invisibles et tacites qui imprègnent les catastrophes écologiques et sociales. Le travail de Beya Gille Gacha, Cléophée R. F. Moser, Laeïla Adjovi, Fabiana Ex-Souza, Manuela Lara, Louisa Marajo, Moufouli Bello, Mouawad+Laurier, Némo Camus, Aïssatou Ciss, Wolf Architects, et Dada Khanyisa donne  raison à toutes ces voix qui refusent de se taire face à l’urgence climatique dans « On s’arrêtera quand la Terre rugira ».  

Dans la salle Ndary Lô, du nom de cet artiste sculpteur sénégalais décédé en 2017, le design revient seize ans après à la Biennale de Dakar avec le designer sénégalais et commissaire d’exposition Ousmane Mbaye. Vous y verrez des créations de 24 designers africains comme Bibi Seck, Faty Ly, Abdoulaye Niang, Moustapha Ndiaye Maraz, Issa Diabaté, Jean Servais Somian,  Johanna Bramble, Lisa Colomb, Hicham Lahlou, Younes Duret, Souad El Maysour, Ifeanyi Oganwu, Charles O. Job, Cheick Diallo, Awa Meïte, Hamed Ouattara, Bonolo Helen Chepape… dans une sélection alliant design de produits et design textile mettant en valeur avec un égal bonheur les matières premières collectées sur le continent.

A l’étage, l’Exposition des Collectionneurs encore intitulée SAMA COLLECTION, est orchestrée de main de maître par le curateur, artiste et scénographe sénégalais Kalidou Kassé. Elle présente des toiles, des tapisseries, des photographies, des sculptures et d’objets de design acquis par l’Etat du Sénégalais et des collectionneurs locaux tels que Me Moustapha Ndiaye, Baidy Agne, Ida et Jean Michel Seck, Alain Thiam, Me Sylvain Sankalé, Abdoulaye Racine Kane, Cheikh Tidiane Sy, Fatoumata Sow et Abdoulaye Diop, Me Mbacke Moussa, Me Guedel et Madame. L’objectif est de favoriser l’essor du marché de l’art au Sénégal à la faveur de l’augmentation très sensible du nombre de Sénégalais qui manifestent de plus en plus leur passion pour les arts plastiques.

A la Cour Suprême, le Grand témoin de cette 15ème Edition de la Biennale de l’Art Africain Contemporain, Wangechi Mutu, convoque Senghor et l’histoire de ce haut lieu de la justice au Sénégal. L’installation à grande échelle « A palace in Pieces », qu’elle a élaborée, capture et retient la perte, le chagrin et les souffles des espaces abandonnés. Une plongée dans les histoires coloniales les plus profondes du continent.

De l’autre côté, à la Galerie Nationale du Sénégal, on découvre une pétillante et joyeuse exposition-hommage sur Mohamadou Ndoye dit Ndoye Dout’s. Cette jeune mais grande figure de l’art contemporain au Sénégal qui nous a quittés le 09 juin 2023 des suites de maladie et dont l’œuvre qui célèbre les quartiers populaires de Dakar comme son engagement social envers les plus vulnérables resteront à jamais vivants.

Comme en 2022, le Musée des Civilisations Noires abrite le Pavillon du Sénégal qui présente cette année 16 artistes, ainsi que les Pavillons du Cabo Verde et des Etats-Unis avec respectivement 9 et 7 artistes ; représentant le meilleur de la création artistique de leurs différents pays.

Le Dak’Art 2024, c’est aussi des rencontres scientifiques et professionnelles, des ateliers pédagogiques et visites scolaires, des projections de films, des concerts, des lectures, des performances, des évènements uniques associés et plus de 500 expositions OFF étalées dans toute la ville de Dakar et ses environs.

Il y a aussi tout ce que vous ne verrez pas. Les longs mois et jours passés par les artistes pour réaliser leurs œuvres ou par les curateurs pour préparer leurs expositions. Ces professionnels de l’art sans lesquels le succès de cette Biennale serait bien remis en question. Mais également les moments de joie et de partage, les échanges et les rencontres entre acteurs, les chocs esthétiques, la recherche constante d’un regard transdisciplinaire, neuf et différent sur son travail qui donnent au Dak’Art son caractère d’évènement phare de l’art contemporain en Afrique.

Présidant la cérémonie officielle d’ouverture qui s’est tenue au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Rose, rappelons-le, le jeudi 07 novembre 2024,  le Président Bassirou Diomaye Faye, Premier Protecteur des Arts et des Lettres de la République du Sénégal, n’a d’ailleurs eu de cesse de rappeler l’importance de l’art et de la culture dans notre monde d’aujourd’hui : « Partout où nous allons, nous portons à nos semelles et laissons traîner dans notre sillage, la poussière de notre terre d’origine et de ses cultures. C’est bien la culture qui donne un liant à notre trajectoire individuelle et collective, menacée d’éparpillement en raison des agressions multiformes de la vie moderne. La culture, dans sa diversité, est le terreau fertile à notre commun vouloir de vie collective. L’émotion qui nous saisit devant l’œuvre d’art peut modifier durablement notre vision du monde et orienter nos actions. L’artiste a ceci de commun avec l’homme politique et l’homme d’État qu’il est sensible à la destinée de sa communauté. Il anticipe les mutations sociales et est aussi visionnaire. Son rôle pour mobiliser les énergies, celles de la jeunesse notamment, s’avère donc important.

L’Art facilite la compréhension du monde, le rend moins angoissant et aide à défricher la place que l’homme doit y occuper, en symbiose avec tous les autres êtres, composantes à part entière du vivant. Une telle posture indique que l’esthétique et l’éthique s’alignent sur les mêmes références. L’Art, a-t-on coutume de dire, est un antidestin. Il contourne la finitude de la vie humaine pour inscrire l’œuvre dans l’éternité. J’ajoute qu’il contribue aussi à conjurer les peurs qui inhibent pour mettre en exergue la beauté, la volonté, le courage.

(…) En nous définissant et en nous situant par rapport au reste de l’humanité, la culture participe de notre souveraineté morale et intellectuelle. Elle garantit également le respect de tous ceux qui ont des histoires, des visions du monde différentes, dès lors que s’engage un dialogue fécond, d’égale dignité et mutuellement bénéfique, aux fins de renforcer le partenariat et la compréhension mutuelle. ».

Que demander de plus ?

Olaréwadjou Elvis LALEYE.

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