Retour sur notre Coup de cœur avec l’artiste peintre française Alice Bourgeois

Ses fameux portraits convoquent le féminin pour façonner une nouvelle image de l’Afrique. Celle d’un continent tout en couleur où mouvement et communication riment avec une terre de tous les possibles.

Rencontre avec une artiste talentueuse éprise d’’Afrique et notamment du Sénégal.


Alice Bourgeois

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?

L’Artiste : Je m’appelle Alice Bourgeois et j’ai grandi au Sénégal où mon père était professeur aux Beaux-Arts de Dakar. J’ai donc eu la chance de baigner très tôt dans un univers artistique très fort et de connaître des personnages importants comme Joe Ouakam, Ousmane Sembene, Oumou sy, Ousmane Sow ou encore Ernest Pignon pour ne citer qu’eux. Ce sont, pour moi, les années les plus importantes de ma vie car c’est à partir de là que j’ai eu envie de devenir artiste.

Je vis actuellement en région parisienne mais fait des aller- retours entre Paris et Dakar.


Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art? Et comment percevez-vous l’art contemporain ?

L’Artiste : Pour moi, l’Art est un moyen de communication très fort où les lignes, les couleurs, les formes et les sujets remplacent les mots pour créer un langage universel.

L’Art contemporain est devenu très vaste dans ses champs de représentations et d’investigations. Il est ancré dans le présent pour être un témoignage pour les générations futures.

J’ai une préférence pour l’Art contemporain africain plus qu’européen, ce dernier devenant pour moi un peu trop codifié et élitiste dans le sens où si l’on n’a pas eu la chance de baigner dans un univers artistique, il est moins accessible à tous. Cette question d’accessibilité est très importante pour moi car l’Art ne doit être le privilège d’aucune élite. Quand je “rencontre” une œuvre, j’ai besoin d’avoir un choc émotionnel instantané et non d’avoir l’obligation de lire un texte de deux pages pour la comprendre.


Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?

L’Artiste : Je l’ai su très tôt enfant en passant mes après-midi dans l’atelier de mon père à l’Ecole des Beaux-Arts de Dakar. J’avais fait une place dans son atelier où je pouvais venir m’exprimer à tout moment. Cela ne m’a jamais quitté depuis.


Asakan : En tant qu’artiste, comment vous définiriez-vous ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?

L’Artiste: Je pense être une artiste contemporaine ancrée dans les problématiques de mon époque bien que travaillant sur des figures du passé mais dont les problématiques sont malheureusement toujours contemporaines.

On peut me qualifier également d’artiste engagée. J’ai été en Palestine dans les camps de réfugiés où j’ai réalisé un carnet de voyage et une série de portraits de femmes que j’ai rencontrées. Plus récemment, j’ai travaillé sur des portraits de femmes Afghanes et ukrainiennes.

Mon empreinte artistique est venue à force de persévérance, de test multi-supports et multi techniques ainsi que des rencontres ou encore de lectures que j’ai pu faire. Cela ne veut pas dire que cette empreinte va rester figée. Elle peut être amenée à changer, évoluer suivant ce que j’ai à dire. Et j’ai beaucoup de choses à dire…



Alice Bourgeois, Amazones du Dahomey, 2021, Acrylique et feutre posca sur toile de coton, 230 x 230 cm, Performance live painting, Odéon Paris

Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

L’Artiste: Mes inspirations artistiques me viennent des grandes figures féminines africaines (ou non) qui ont été effacées de l’histoire et qui reviennent sur le devant de la scène grâce à des gens soucieux de leur redonner leur place. Dans ce sens, mes sujets de prédilections sont les Signares et les Amazones du Dahomey. Elles ont en commun d’êtres des femmes fortes qui ont fait l’Histoire de leurs pays et qui se sont battues pour exister. Elles sont pour moi des modèles de sororité et de représentations universelles des combats que les femmes mènent ou doivent mener.

Pour ce qui est des artistes : le travail d’Omar Victor Diop me parle beaucoup, il est pour moi le Cindy Sherman masculin. J’aime également les travaux de Louise Bourgeois, Prune Noury, Simone Leigh, JR ou encore Zanele Muholi que j’ai eu la chance de rencontrer lors de mon exposition à  AKAA FAIR en 2020 et de lui offrir son portrait réalisé pour l’occasion.

Lors de la Biennale de Dakar de 2022, j’ai eu un gros coup de cœur pour Fally Colobane et Alioune Diagne. Pour moi, le point commun de ces artistes est leur volonté d’ancrer l’Humain et l’Histoire de leurs cultures dans l’histoire de l’art.


Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?

L’Artiste : Je reçois un grand soutien de gens que je rencontre lors de mes événements. Dans la rencontre, il y a en général deux temps, les spectateurs sont attirés par l’esthétisme de mes toiles/dessins, puis agréablement surpris du discours et de la démarche qui en découlent.

Quand on regarde pour la première fois mes œuvres, on perçoit un univers et un trait qui pourrait paraître assez naïf alors que le discours ne l’est pas du tout. Je pense que c’est la réunion de ses deux éléments qui séduit le public, c’est-à -dire l’esthétisme/démarche et le discours.

Depuis AKAA Fair et la Biennale de Dakar, j’ai plus de visibilité et j’ai acquis plus de crédibilité auprès du monde artistique professionnel. Le regard est toujours bienveillant et encourageant.


Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art?

L’Artiste : Je leur conseillerais dans un premier temps de lire « lettre à un jeune poète » de Rainer Maria Rilke afin qu’ils se confrontent à ce désir qu’ils ont de la création. Le livre parle de poète à poète mais la poésie, tout comme l’art  apparaît comme une saisie authentique du monde, comme expression d’une expérience vécue et assumée : expérience de la solitude, de l’amour, de la tristesse, de la mélancolie, du conformisme et de l’anticonformisme.

Je leur conseillerais surtout d’être fidèle à ceux qu’ils sont, d’être curieux, de ne pas avoir peur de prendre des risques ou des positions car c’est là où se trouve, pour moi, la vraie liberté.

Il y a plusieurs façons d’être artistes. Ne croyez pas toujours les institutions, cela est en vous et personne ne pourra vous en destituer.

Créez sans penser à la réussite afin de rester authentique dans leurs créations et dans leurs propos. Les artistes ne sont pas là pour rentrer dans des cases et tant mieux s’ils en débordent.

Pour finir je leur transmettrai ce conseil de René Char «  Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. ».


Alice Bourgeois, Signare, 2022, Acrylique sur toile de lin, 50 x 65 cm

Pour plus d’informations sur le travail d’Alice Bourgeois,

La Rédaction.

Article publié pour la première fois sur le Medium d’Asakan en septembre 2022 et actualisé en août 2025.

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