Né en 1994 à Lomé, Tesprit est un artiste engagé qui récupère les sandalettes, communément appelées « Djimakplao ou Djimakplon » au Togo et au Bénin (littéralement traduit comme « Enfant mal éduqué »), abandonnées sur les plages et dans les dépotoirs pour les transformer en de véritables œuvres d’art afin de sensibiliser de manière bienveillante et optimiste, sur la question des déchets ainsi que la situation de précarité et de vulnérabilité des enfants de rue.
Coup de Cœur.

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Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez-vous vous présenter ?
Tesprit : Je suis Foli Kossi Gérard TETE. Mon nom d’artiste est TESPRIT, une contraction de TETE, mon nom de famille, et Esprit, pour me définir comme l’esprit de TETE. Je suis un artiste autodidacte togolais, activiste et défenseur de la protection de l’environnement.

Crédit Photo : Tesprit.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Tesprit : Pour moi, l’art est la vérité sincère du cœur, c’est un moyen d’expression, de communication, et aussi de revendication. L’art est l’outil par lequel on peut aborder et traiter même les sujets les plus complexes et difficiles.
L’art contemporain, c’est l’art du moment. C’est l’art qui exprime ce que nous vivons et ressentons, c’est le témoin de notre époque.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
Tesprit : J’ai toujours utilisé le dessin pour m’exprimer depuis mon jeune âge. L’appel de l’art m’est venu lorsque j’ai senti que je pouvais partager mes angoisses et mes inquiétudes à travers mes créations. Je ne suis pas très bavard et souvent, j’ai du mal à exprimer avec des mots ce que je vis ou ressens. Alors, l’art est devenu mon langage principal.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?
Tesprit : Mon art est d’abord mon outil de communication. Je suis un jeune Togolais conscient des difficultés du quotidien et de l’avenir incertain de ma communauté. Par conséquent, mon art est engagé : il parle des enfants d’aujourd’hui et de ceux d’hier. Il traite des enjeux socio-politiques actuels et de l’espoir d’un avenir meilleur. Sans actions pour les enfants d’aujourd’hui, il n’y a pas d’avenir — ni pour mon pays, ni pour l’Afrique, ni pour la planète.
Mon art est engagé parce que j’aborde également la question de la protection de l’environnement. Que faisons-nous à la Terre Mère ?
Mon empreinte artistique vient d’un constat et de ma propre histoire. Enfants, nous traînions tous sur la plage. Ma famille est originaire d’Aného, un des lieux les plus enchanteurs près de Lomé, où la mer et la lagune coexistent. Ma mère, vendeuse de poisson, m’a transmis l’importance de la mer, essentielle pour ma vie et celle des habitants de Lomé en général. C’est donc assez naturellement que j’ai constaté la dégradation de nos côtes à cause des déchets, et je me suis demandé comment alerter sur ce sujet.
L’autre sujet qui m’interpelle est la condition des enfants, notamment des enfants de rue, qui semblent être les oubliés dans tout ce chaos politique, économique et social.

Crédit Photo : Tesprit.

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Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Tesprit : Comme je le disais, je m’inspire de mon quotidien et des histoires de ma communauté. J’invite aussi les adultes à se replonger dans leur enfance, celle du rêve, des aspirations et de l’innocence, pour réveiller l’humanité que nous perdons parfois en chemin, avec les responsabilités de la vie adulte.
Les artistes Mbongeni Buthelezi, et El Anatsui sont des références qui m’inspirent.

Crédit Photo : Tesprit.

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Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Tesprit : Je reçois beaucoup d’encouragements. Le public apprécie particulièrement l’ingéniosité de ma technique, l’aspect visuel de mes œuvres et la délicatesse de mes personnages. Le processus avant la création est également très important : il y a d’abord la recherche de matériaux dans les déchetteries ou sur la plage, ensuite le nettoyage, le séchage, puis seulement la création. C’est un processus long et rigoureux, mais il est très apprécié.
Je reçois également beaucoup de soutien de mes confrères et aînés, qui m’encouragent et me conseillent dans ma démarche et ma carrière artistique. Je suis très reconnaissant de pouvoir compter sur eux dans ce cheminement.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
Tesprit : Un conseil ? Je ne sais pas. Je suis encore jeune et je débute à peine ma carrière, donc je n’ai pas encore beaucoup de recul. Mais je dirais qu’il est important de travailler pour trouver son authenticité et de bien s’entourer dans ce cheminement. C’est un milieu complexe et très passionnant.
Pour plus d’informations sur le travail de Tesprit,
La Rédaction.