Coup de Coeur avec l’Artiste Pluridisciplinaire Franco-Tunisien Wahib Chehata

Artiste autodidacte et Co-Fondateur de la Art Factory dite Hall 93, Wahib Chehata (né en 1968 à Paris) intervient dans l’espace artistique avec des portraits inspirés de peintures classiques et de mythologies universelles. Ainsi, ses créations, telles des peintures, nous donnent à voir un réel transcendé où les pratiques et les genres s’intensifient graphiquement pour offrir une texture picturale qui bouscule les normes et saisit le spectateur.  

Coup de Cœur

Wahib Chehata Crédit Photo: DR.

Asakan: Pour commencer notre entretien, pouvez-vous vous présenter ?

Wahib Chehata: Je suis Wahib Chehata, artiste pluridisciplinaire. Mon langage oscille entre dessin, peinture, photographie et art numérique, autant de médiums que j’envisage comme des fragments d’une même écriture. Parfois, ils se croisent, se heurtent, s’embrassent dans des installations où l’image devient matière et la matière, récit. Mon travail est une exploration, un dialogue entre l’ombre et la lumière, entre le visible et l’invisible, où chaque œuvre cherche à capter l’éphémère et à suspendre le temps.


Asakan: Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?

Wahib Chehata: Définir l’art, c’est tenter de capturer l’insaisissable. Pour moi, l’art réside avant tout dans la maîtrise d’un geste et sa capacité à le transcender, quel qu’il soit. C’est une quête d’absolu, une empreinte laissée entre rigueur et fulgurance.

Quant à l’art contemporain, je le perçois comme une notion vidée de sa substance, figée dans un cadre devenu dogmatique. À l’origine, il marquait une rupture, une remise en question des formes établies. Mais depuis les années 80, l’explosion des pratiques a rendu cette définition obsolète. Aujourd’hui, parler d’art contemporain n’a de sens qu’au regard du temps. L’art, lui, est immanent, hors des classifications, toujours en mouvement.


Asakan: Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?

Wahib Chehata: Je l’ai toujours su, aussi loin que remontent mes souvenirs. Mais plus qu’une révélation, c’est l’acte de créer qui a donné corps à cette certitude. Consacrer ma vie à l’art n’a jamais été une décision, mais une nécessité qui s’est imposée.

L’expérience, la pratique, le temps n’ont fait que confirmer ce droit, cette appartenance. Quel que soit le métier que j’ai exercé, l’art a toujours été mon langage, mon territoire. Du dessin à la photographie, de la direction artistique à la réalisation, du théâtre à tant d’autres expressions, tout converge vers une même quête : donner forme au sensible, explorer l’invisible, habiter l’image.


Wahib Chehata, « Renaissance », 2017.
Musée d’Art Moderne et Contemporain Mohammed VI, Rabat. Maroc

Asakan: En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?

Wahib Chehata: Mon art est une confrontation directe, une expérience à plusieurs strates de lecture, où l’impact immédiat coexiste avec une profondeur qui se dévoile peu à peu. Je le conçois comme un spectacle au sens premier du terme : un dialogue entre la maîtrise du geste et l’effet qu’il produit, entre la rigueur technique et la fulgurance de l’émotion. Chaque médium que j’explore devient un vecteur de cette tension, un moyen de donner corps à cette présence indéniable que je cherche à insuffler à chaque œuvre.

Quant à l’empreinte, peut-on jamais la finaliser ? Elle évolue, se métamorphose, prend des formes multiples. Pourtant, une signature se dessine, un langage s’affirme, notamment à travers le portrait, qui relève chez moi d’une obsession presque viscérale, une quête inlassable de l’autre et de soi. Mais l’exploration ne s’arrête jamais : chaque nouveau médium, chaque nouvelle approche élargit mon territoire, repousse les limites du possible et nourrit l’inachevé nécessaire à toute création vivante.


Wahib Chehata, Gunshot, 2020. feuille d’or, acrylique et encre sur toile, 220 x 220 cm

Asakan: Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

Wahib Chehata: Mes inspirations puisent dans les âges d’or, ces époques que je considère comme reines, de la Renaissance à la fin du XIXe siècle, où la peinture atteignait des sommets de maîtrise et de splendeur. Mais au-delà de cette filiation, je suis attentif à toute forme qui s’impose à moi avec puissance, qu’elle vienne du cinéma, de la bande dessinée, de la littérature, du théâtre, de la musique, de la publicité, des objets du quotidien. Tout ce qui porte en soi un éclat, une intensité, une précision du geste et du regard, m’interpelle et nourrit mon imaginaire.

En ce qui concerne les thèmes, le portrait demeure mon obsession première. Il condense l’existant, à la fois immédiat et insondable, concret et vertigineux. On s’y perd autant qu’on s’y révèle. Il est une traversée, une mise à nu de l’essence même de l’être, un champ d’interrogations inépuisable. Et au-delà du visage, une autre quête traverse mon travail : celle du mouvement, du dynamisme physique, d’une énergie qui affleure et surgit, quel que soit le médium. Je cherche à capter ce souffle, cette tension, cette vie qui palpite sous la surface et ne demande qu’à éclater.


Wahib Chehata, « Résilience », 2020. Tirage pigmentaire sur papier Baryta, 150 x 220 cm.
Wahib Chehata, « Sans titre », 2023. Graphite sur toile, 130 x 105 cm
Wahib Chehata, « Anthropométries », 2024. Tirage pigmentaire sur papier Baryta, 150 x 225 cm
Wahib Chehata, « Anthropométries », 2024. Tirage pigmentaire sur papier Baryta, 120 x 120 cm x 2
Wahib Chehata, « Anthropométries », 2024. Tirage pigmentaire sur papier Baryta, 120 x 95 cm  

Asakan: Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?

Wahib Chehata: Difficile à dire. Le regard des autres m’échappe, il se façonne ailleurs, dans une subjectivité que je ne maîtrise pas. Certains perçoivent une force, une tension, d’autres une étrangeté. Le milieu artistique, lui, oscille entre compréhension, questionnement et distance. Mais au fond, seul compte pour moi l’élan juste, la nécessité du geste. Le reste appartient à ceux qui regardent.


Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?

Wahib Chehata: Regardez, explorez, travaillez.

Pour plus d’informations sur le travail de Wahib Chehata,

Propos recueillis par: Audrey Olga Nocent.

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