Coup de Cœur avec l’Artiste Photographe Gabonais vivant et travaillant au Burkina-Faso Marc Posso

Autodidacte, Marc Posso (né en 1996 au Gabon) fait dialoguer identités, héritages, et spiritualités entre photographies noir et blanc et couleur pour offrir des perspectives qui valorisent la diversité et la richesse des cultures africaines tout en amenant le spectateur au-delà des frontières culturelles et temporelles. En 2024 à l’occasion de la Résidence Duvangu chez lui à Libreville, il ajoute à son arc la photographie documentaire à travers le concept du mouvement dans la danse traditionnelle Ivanga, pratiquée par les femmes de la communauté Mpongwè.

Coup de Cœur.

Portrait de Marc Posso

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez – vous vous présenter ?

L’Artiste : Je suis Marc Posso, artiste-photographe gabonais, actuellement basé à Ouagadougou, au Burkina Faso.

Mon travail est avant tout une exploration de l’identité noire, de ses multiples facettes et de toute la richesse qu’elle porte, tant sur le plan humain que culturel.

Jusqu’en 2024, ma pratique était principalement axée sur le portrait et la photo de mode. Mais une résidence artistique a marqué un tournant dans mon parcours, me permettant de m’ouvrir à une approche plus documentaire et ancrée dans la transmission. Depuis, je m’intéresse de plus en plus profondément à la préservation des cultures africaines, à leurs récits, à leurs gestes et à leur mémoire. C’est une démarche à la fois esthétique, identitaire et engagée.


Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?

L’Artiste : Pour moi, l’art, c’est avant tout la liberté. C’est cette possibilité infinie de créer sans avoir à se conformer à des normes ou à des attentes autres que les siennes. C’est un espace indéfini où tout devient possible, où l’imagination peut prendre toutes les formes, même les plus inattendues. L’art, c’est oser dire, ressentir et montrer avec sincérité. Mais cette liberté a un prix. C’est celui du doute, de la remise en question permanente, et parfois de l’incompréhension.

Être libre en tant qu’artiste, c’est aussi accepter la solitude de certaines convictions, défendre ses choix jusqu’au bout, même lorsqu’ils dérangent ou casse les codes définis par la société. L’art est donc, pour moi une liberté qui engage, qui questionne et qui transforme.

L’art contemporain s’inscrit dans cette logique. Il est en perpétuelle évolution et en dialogue avec son époque. Il traverse le temps, absorbe les réalités sociales, politiques, économiques, historiques tout en explorant de nouveaux médiums, de nouveaux langages comme aujourd’hui avec l’avènement de l’intelligence artificielle. Certains artistes parviennent à rester fidèles à leur essence malgré les contraintes du marché ou les pressions institutionnelles, tandis que d’autres se perdent parfois dans la nécessité de plaire ou de répondre aux tendances.

Pour moi, l’enjeu aujourd’hui est de réussir à préserver cette liberté d’expression tout en trouvant sa place dans le monde contemporain. Car, être un artiste contemporain, ce n’est pas simplement produire dans le présent, c’est surtout écouter, ressentir, puis créer avec justesse c’est-à-dire en restant aligné avec soi-même.


Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?

L’artiste : Depuis que je suis enfant, j’ai toujours eu ce côté rebelle et introverti. Lorsque j’ai commencé à faire du portrait, grâce à une exposition de Malick Sidibé j’étais assez intimidé, surtout pendant les premières séances photo que j’organisais moi-même. Il fallait que j’aille vers les gens, que je les convaincs d’y participer.

Au fil du temps, j’ai appris à me sentir à l’aise dans ces moments, que je trouve assez intimes et dans leur processus de mise en œuvre. C’est là que j’ai compris que la photographie serait une grande partie de ma vie.

Elle m’a permis de m’ouvrir, de m’exprimer et même d’être plus à l’aise socialement. Mes premières expositions ont été des étapes marquantes. Même si la communication orale n’a jamais été facile pour moi, ces moments de partage avec les gens ont été incroyablement enrichissants. Écouter parler les autres de mes travaux, c’était comme entendre mes propres pensées et émotions exprimées par leurs mots.

Aujourd’hui, c’est toujours ce plaisir de créer, de partager et d’échanger qui m’anime, et c’est quelque chose que je chéris profondément.


Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?

L’Artiste : Mon art est libre et sans limite. Il est né d’un besoin profond d’expression, et son objectif principal est d’être partagé avec le plus grand nombre. À travers mes images, je cherche à transmettre un message authentique et positif sur les sujets qui me touchent.

Je suis toutefois un artiste autodidacte. C’est ma curiosité, parfois même mon petit côté perfectionniste, qui m’ont permis de construire ma pratique et de l’enrichir au fil du temps. J’apprends, en effet, en expérimentant, en observant et en écoutant. Je me laisse guider par ce que je ressens, mais aussi par ce que je découvre dans les échanges avec les autres.

Mon empreinte s’est progressivement façonnée, entre le côté intime et personnel et l’apport du collectif. J’ai eu la chance de voyager, d’exposer dans différents pays, de rencontrer d’autres artistes, des personnes passionnées qui m’ont inspiré et qui, aujourd’hui encore, me challengent dans mon processus créatif. Ces rencontres ont été essentielles dans mon parcours et cette dynamique collective contribue énormément à mon évolution personnelle et artistique.

Mon art reflète donc ce que je suis. Un être en quête de sens, de beauté, de liens. Je compose ainsi mes images comme des espaces de dialogue ou d’intimité au sein desquels on peut ressentir des émotions profondes, se reconnaître, ou tout simplement s’arrêter un instant pour écouter un message sourd. Par tout cela, je peux dire que mon art est le contraire de tout ce qui est figé et est sur le chemin de la vie éternelle.


Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

L’Artiste : Mes inspirations me poussent à contribuer à valoriser nos récits et à montrer que l’héritage culturel africain est une source de puissance infinie. C’est cette richesse, souvent transmise par les gestes, les danses, les objets, que je cherche à capturer et à célébrer à travers mon art.

Lorsque j’ai commencé la photo, je me concentrais surtout sur le portrait et la mode. À cette époque, les travaux de Malick Sidibé faisaient partie de mes premières inspirations, notamment dans la manière de sublimer le portrait, de faire ressortir la personnalité et la joie de ses sujets. Son regard m’a appris à voir la beauté dans le quotidien, dans les détails et dans les attitudes. Je peux dire que mes sources d’inspiration étaient très liées à l’identité des Africains, mais aussi à un besoin personnel d’expression. Etant de nature timide, mon appareil photo est devenu une extension de moi et surtout un moyen de parler sans les mots. Les couleurs, les textures, la beauté de nos peaux et de nos vêtements étaient alors au cœur de ma démarche.

Avec le temps, mon regard s’est élargi. Mon travail tend aujourd’hui vers quelque chose de plus collectif. Car, en plus de questionner mon moi intérieur, j’interroge notre mémoire partagée, la manière dont nos traditions africaines façonnent nos corps, nos rituels, nos manières d’être ensemble. Je cherche donc à faire ressentir des émotions de reconnexion, de fierté, mais aussi de contemplation.


© Marc Posso, « Les Jeunes Promis ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Ogègèni 2 ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Libreville_Ivanga g’Eka 1 ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Libreville_Ivanga g’Eka 3 ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Bamako, Une Jeune Femme dans le bus ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Ouaga, A Vélo ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Ouaga, Circulation ». Photographie
Courtesy de l’Artiste
© Marc Posso, « Ouaga, Les Visages de la Ville ». Photographie
Courtesy de l’Artiste

Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?

L’Artiste : Le public perçoit souvent mon travail comme un espace de connexion et d’apaisement. J’entends régulièrement des retours qui évoquent un sentiment d’identification, une résonance personnelle avec les images ou les récits que je partage. Cela me touche particulièrement, car ça signifie que les messages que je transmets, qu’ils soient liés à l’identité, à la mémoire ou à la culture sont compris et ressentis.

Dans le milieu artistique, mon travail est généralement perçu comme authentique, sincère, et ancré dans une démarche culturelle et identitaire forte. Il y a aussi un intérêt marqué pour l’esthétique de mes images, pour la manière dont je compose mes scènes et capture l’essence d’un geste, d’un regard, d’une ambiance. Ce que j’apprécie le plus, ce sont les discussions que mes œuvres suscitent, que ce soit lors d’une exposition ou simplement autour d’un café ou non. Pour moi, ces moments de partage et de réflexion font pleinement partie de mon processus artistique. Ces échanges me permettent souvent de voir mon propre travail à travers d’autres regards et de percevoir des nuances auxquelles je n’avais pas pensé. J’en ressors toujours enrichi.


Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?

L’Artiste : Je leur dirais avant tout d’être libres. De ne pas avoir peur d’essayer, de tester, d’expérimenter, même si ça semble incohérent ou imparfait au début. C’est en explorant sans pression qu’on découvre son style ou son univers.

Je leur conseillerais aussi de ne pas s’isoler. L’art est parfois un chemin solitaire, mais on grandit tellement plus vite quand on s’entoure des bonnes personnes. Ces personnes qui vous inspirent, vous soutiennent ou vous challengent avec bienveillance.

Il est également essentiel de prendre du temps pour soi, de savoir créer pour soi. Pas pour les réseaux sociaux, pas pour le regard des autres, mais pour se reconnecter à ce qui nous fait du bien. Le milieu artistique peut être exigeant et parfois même oppressant, alors savoir se recentrer permet de se préserver, et ça c’est aussi une forme de force.

Pour plus d’informations sur le travail de Marc Posso,

La Rédaction.

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