Né en 1988 à Sangmélima, Boris Ndjantou est un sculpteur contemporain vivant et travaillant à Toulouse. Ingénieur de formation, imprégné de sa culture Bamiléké et de nombreuses influences, ayant tour à tour travaillé dans le tourisme, l’hôtellerie, l’urbanisme transitoire et la photographie, l’artiste fait naitre depuis une dizaine d’années des sculptures en bois qui interpellent la dynamique des identités plurielles et leurs résonances dans le contexte contemporain.
Coup de cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
Boris Ndjantou : Je m’appelle Boris Ndjantou, je suis artiste sculpteur camerouno-français. Je suis né à Sangmélima au Cameroun d’une mère originaire du Sud et d’un père de l’Ouest du pays. J’ai grandi essentiellement à Yaoundé, capitale du Cameroun, avant mon émigration vers la France.
Mon parcours de vie un peu atypique est motivé par une quête de sens, de justice, d’humanité. Doté d’une énergie débordante et une curiosité exacerbée, j’ai accumulé une pléthore d’expériences qui m’ont permis de développer une pratique d’apprentissage par l’autodidaxie. Cette approche me confère aujourd’hui une singularité artistique indéniable, en dehors des cadres académiques traditionnels et me permet d’explorer, avec une liberté créative absolue, des thèmes profonds et complexes. J’aborde mes sujets avec une audace et une originalité qui enrichissent et distinguent mon œuvre dans le paysage contemporain.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Boris Ndjantou : L’art pour moi est un moyen de communiquer, à travers des expériences personnelles, des réflexions collectives, universelles. C’est un mouvement, qui se veut à la fois dans l’intériorité et dans l’externalité, il transforme des histoires intimes en métaphores de la condition humaine.
Je perçois dans l’art contemporain comme une force qui puise dans le vécu propre, les émotions, les souvenirs, les questionnements identitaires, pour concevoir des œuvres qui interpellent et résonnent bien au-delà de sa propre expérience et sa temporalité. En tant que catalyseur, l’art contemporain révèle les tensions, les doutes et les espoirs qui habitent nos sociétés actuelles. C’est dans cette alchimie entre l’intime et l’universel que l’art contemporain se distingue, tissant une trame où les différences se transforment en points de rencontre, en questionnements partagés, ouvrant des dialogues essentiels.

Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
Boris Ndjantou : Après de multiples explorations dans le monde de l’emploi, je n’ai rien pu trouver qui eut été en mesure de m’offrir des conditions satisfaisantes d’épanouissement et d’expression de ma personnalité et de mes valeurs. Dès lors, il ne me restait plus que l’art à explorer, lui qui a été un compagnon fidèle durant toute ma vie, il est devenu à ce moment-là, précisément en fin 2018, d’une part l’un des derniers remparts pour préserver mon équilibre psychique et humain dans le Chaos du Monde et d’autre part, un moyen pour moi d’exprimer ma capacité à observer et analyser avec sensibilité et finesse mon environnement physique et spirituel.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?
Boris Ndjantou : Mon travail artistique explore les questions d’identité et de transculturalité, s’inspirant profondément de mon parcours personnel. À la croisée de la spiritualité bamiléké et de la rationalité de la cosmologie occidentale, je mets en lumière les tensions, mais aussi les dialogues fertiles entre ces deux héritages culturels.
En tant qu’artiste bamiléké, je m’appuie sur l’héritage de mon peuple, dont l’identité s’est forgée à travers un voyage historique des rives de l’Égypte antique jusqu’aux hauts plateaux du Cameroun. Mon parcours migratoire du Cameroun vers la France dans les années 2000 m’a permis d’intégrer de nouvelles perspectives, celles d’un artiste afrodescendant et diasporique évoluant dans une réalité globalisée.
Ce patrimoine culturel, riche et complexe, nourrit profondément ma création. Mon travail de sculpteur sur bois, reflète cette dualité, questionnant à la fois la matérialité du monde et sa dimension symbolique. Mes œuvres interrogent ainsi les multiples facettes de l’identité dans un monde en perpétuelle évolution.


Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Boris Ndjantou : Mes inspirations explorent une diversité artistique allant de l’abstraction de Leandro Mbomio à la précision technique de Federico L. Méndez Castro. La force expressive de Jems Koko Bi, l’équilibre des compositions de Thierry Martenon et les multiples univers de Barthélémy Toguo influencent également ma pratique sculpturale.
Mon travail aborde des thèmes comme l’architecture, en tant que miroir des interactions de l’individu avec son environnement ; la notion de danger, à la fois matériel et spirituel, propre à chaque culture dans son combat pour combattre les forces obscures ; et enfin, l’écriture et le langage, vecteurs essentiels d’inclusion et d’intégration. A travers ces thèmes, j’essaie de transmettre la puissance symbolique du pardon et de la résilience dans le processus de reconstruction et de réhabilitation de l’identité.



Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Boris Ndjantou : Au fil des expositions, le public apprécie la puissance graphique de mes œuvres et leur profondeur symbolique. Il l’assimile bien souvent à de l’art africain mais pour citer certain.e.s « ce n’est pas comme les masques et les statues » faisant l’aveu de la contemporanéité de mon travail par opposition à ce qui était et est encore considéré comme de les arts premiers/tribal/primitif/nègre.
Le milieu artistique quant à lui reconnait la justesse esthétique, l’équilibre graphique, la densité et la richesse des lectures possibles tantôt figuratif, tantôt abstrait mais toujours franc dans l’intentionnalité.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
Boris Ndjantou : J’aimerais leur transmettre l’idée qu’être artiste c’est être en mesure de, faire un pas de côté, d’évoluer à la fois à la marge sans toutefois ignorer la norme. La norme, nourri l’intime et l’artiste est en quelque sorte le catalyseur.
Se lancer dans l’art c’est au départ être vulnérable, précaire, douter, douter et encore douter. Il est donc important d’être bien ancré psychologiquement et socialement pour pouvoir résister aux assauts incessants de la vie laïque. Malgré tout, il est important de toujours se faire confiance, garder le cap car en s’engageant dans cette voie, il est indéniable que c’est la plus grande preuve de courage que l’on puisse se témoigner à soi. Enfin, comme dans toute activité ou emploi, le travail est un pilier fondamental de la réussite, il ne s’agit pas juste de création.
Pour plus d’informations sur le travail de Ndjantou Boris,
- Son compte Instagram : https://www.instagram.com/ndjantou.boris/
- Son compte LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/boris-ndjantou-sculpteur
- Ou, rendez-vous en son atelier sis au 120 Route d’Albi, Cahuzac-sur-Vère (Occitanie).
La Rédaction.