Coup de Cœur avec l’Artiste Designer Ivoirienne Illa Olivia Donwahi

Dépassant l’aspect fonctionnel d’un objet, son travail bouscule, éveille, surprend et magnifie le tabouret africain traditionnel dans un alliage implacable entre design et tradition, créativité et savoir-faire, maitrise et maturité. Un peu comme pour nous rappeler cette fameuse citation de Pierre Corneille : « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ».

Coup de Cœur.

Illa Olivia Donwahi
Photo : Le Jacobin Noir

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?

Illa Olivia Donwahi : Je suis Illa Olivia Donwahi, designer née à Abidjan en 1997. Passionnée d’art depuis mon enfance, j’ai étudié à Londres où j’ai obtenu un Bachelor en « Interior Design » à la « University of the Arts » et un Master en « Product and Furniture Design » à la « Kingston University ».

Mon travail explore la rencontre entre les traditions culturelles de mes racines ouest-africaines et une esthétique moderne minimaliste.


Illa Olivia Donwahi, « Le Tabouret 1 », 2023. Tabouret Bois Iroko,
Photo : IllaOlivia

Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?

Illa Olivia Donwahi : L’art pour moi est un outil pour raconter, engager, et susciter des émotions grâce à son vécu et son histoire. L’art contemporain, bien qu’on soit dans l’art du présent, permet de tisser des liens avec le passé pour proposer des histoires nouvelles grâce à une multiplicité de médiums.

Cela est d’autant plus vérifié avec le design contemporain qui permet également une grande liberté d’expression. On peut, par exemple, sortir des cadres classiques, expérimenter des techniques variées, s’inspirer de différents courants artistiques, et réinterpréter tout cela pour créer sa propre histoire.

En Côte d’Ivoire, le design est en pleine évolution. Une jeune génération porteuse d’idées nouvelles souhaite mettre en valeur le savoir-faire et les créations locales. Des figures comme Jean Servais Somian jouent un rôle important dans ce mouvement et des initiatives telles que le Young Designer Workshop ou les résidences artistiques à la Maison N’zima permettent de révéler et d’accompagner les jeunes talents. Au niveau africain, on voit un intérêt de plus en plus grand autour du design aussi bien sur le continent que sur la scène artistique mondiale. Les pays anglophones ont peut-être une petite avance, avec des plateformes bien établies, notamment en Afrique du Sud et au Nigéria, mais la scène francophone commence aussi à se faire remarquer grâce à de nouveaux projets et des talents émergents.


Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?

Illa Olivia Donwahi : Très jeune, j’ai compris que l’art était mon moyen d’expression naturel. J’avais alors pour passion la photographie qui est devenu aujourd’hui un outil que j’utilise pour capturer/saisir mon environnement créatif et ce sont mes études qui m’ont permis de connaître ma voie qui est le design.


Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?

Illa Olivia Donwahi : Mon design est une liaison/connexion entre la culture, les formes ouest-africaine et les formes modernes internationales. J’allie des matériaux et des techniques artisanales à des lignes épurées.

Je privilégie particulièrement le bois parce qu’il est facilement accessible en Côte d’Ivoire et que les artisans locaux possèdent un savoir-faire riche sur ce matériau, que ce soit en termes de techniques de travail ou d’équipement disponible. J’aime également être en contact direct avec la matière, et le bois m’a semblé être un excellent point de départ pour expérimenter et mieux comprendre les différentes essences disponibles ici, avec leurs qualités spécifiques.

Dans mon processus créatif, je commence par une phase de recherche et de documentation, souvent à travers la photographie et des croquis. Je m’inspire des formes et des objets que je croise, que je réinterprète et transforme pour leur donner une nouvelle vie. J’essaie toujours d’imaginer dès le début la version finale de la pièce que je souhaite créer, ce qui rend la réalisation plus fluide. Ensuite, je choisis l’essence de bois qui correspond à ce que je veux transmettre à travers l’objet : solidité, couleur, texture, ou veinures uniques. Une fois ces choix faits, le processus de création peut vraiment commencer, et c’est là que la magie opère.

Mais mon empreinte continue de s’affirmer grâce à une recherche constante d’authenticité et d’équilibre entre tradition et innovation.


Illa Olivia Donwahi, Ayo Collection AYA-LÊ, 2024. Chaise Bois Amazakoué,
Photo : Le Jacobin Noir.

Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

Illa Olivia Donwahi : Mes inspirations viennent des formes et motifs hérités de mon patrimoine ouest-africain, mais aussi de l’esthétique minimaliste que j’ai développée au fil de mes études. Ma première résidence de design à la Maison N’zima, sous la direction de Jean Servais Somian, a joué un rôle clé dans mon parcours. Pendant un mois, j’ai pu, avec d’autres designers, approfondir ma compréhension des matériaux locaux, de leur potentiel, et comment les transformer en objets contemporains. L’accompagnement de Monsieur Somian m’a donné une meilleure orientation et formation sur comment allier l’artisanat et le design moderne.

En parallèle, je m’inspire aussi du travail de designers tels que Jomo Tariku, dont je suis le parcours avec admiration. Son approche de réinterprétation moderne des symboles et du mobilier traditionnel africain nourrit ma réflexion et renforce ma vision.

À travers mes créations, je cherche à montrer que les objets qui sont utilisés dans le quotidien tels que les fourneaux, les tabourets, peuvent être réinventés afin de créer un dialogue entre le passé et le présent. Une manière pour moi d’inviter à découvrir une fusion unique d’éléments traditionnels et modernes, ouvrant la voie à une nouvelle ère de design qui honore le passé, facilite le présent tout en regardant vers l’avenir.


Illa Olivia Donwahi, Ka Ké Collection AYA-LÊ, 2024. Tabouret Bois Amazakoué,
Photo: IllaOlivia
Illa Olivia Donwahi, Nê-Kow Collection AYA-LÊ, 2024. Banc Bois Amazakoué,
Photo : IllaOlivia.
Illa Olivia Donwahi, Fa Cié Collection AYA-LÊ, 2024. Console Bois Amazakoué,
Photo : IllaOlivia
Illa Olivia Donwahi, Atoo Collection AYA-LÊ, 2024. Armoire Bois Amazakoué,
Photo : Le Jacobin Noir.

Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?

Illa Olivia Donwahi : Il faudrait qu’on pose la question au public ahah, mais je pense qu’il apprécie l’authenticité et la profondeur de mes créations, qui mettent en avant une identité forte tout en s’adaptant aux modes de vie d’aujourd’hui.

En effet, les retours que j’ai reçus jusqu’à présent sur mon travail sont souvent centrés sur son caractère unique et original. Les gens sont intrigués par ma manière de transformer des formes et objets familiers en pièces de mobilier qui racontent notre histoire, réhabilitent notre grandeur et subliment notre présent. J’ai aussi reçu beaucoup d’encouragements pour poursuivre ma démarche artistique, ce qui me touche profondément et je rends grâce à Dieu pour ces opportunités

Cette première expérience d’artiste exposée a été un mélange de stress et de pur bonheur. A l’arrivée, voir mon travail achevé et présenté au grand public a été une immense fierté. De même, cela m’a permis d’échanger avec d’autres artistes, des curateurs et des amateurs d’art, ce qui a enrichi ma vision et nourri ma créativité.

J’ai hâte de pouvoir exposer dans davantage de lieux, que ce soit dans des showrooms en Côte d’Ivoire ou à l’international. C’est une étape importante dans un parcours qui ne fait que commencer. Comme j’aime le dire : restez branchés !


La Collection AYA-LÊ à l’Institut français d’Abidjan à l’occasion de la restitution
de la Résidence de design à la Maison N’zima, (Tabouret Bois Iroko 2023),
Photo : Marie-Paule Tano

Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?

Illa Olivia Donwahi : Je leur dirais d’avoir la Foi, de rester fidèles à eux même tout en osant expérimenter et apprendre de nouvelles perspectives. L’art demande de la persévérance, de l’authenticité et une ouverture au monde. Chaque expérience, chaque erreur fait partie du chemin. Ne pas hésiter à demander des conseils mais surtout à les écouter avec discernement.

Pour plus d’informations sur le travail d’Illa Olivia Donwahi,

La Rédaction.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *