Née dans le Sud-Ouest de la France d’une mère camerounaise et d’un père franco-italien, Barbara Asei Dantoni compose, à travers divers mediums, une oeuvre qui explore son identité hybride et la multiculturalité comme une plongée dans un monde où tout se retrouve de plus en plus enchevêtré pour créer de nouvelles possibilités ou tout au moins enrichir nos manières d’être au monde.
Coup de Cœur.

Asakan: Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
Barbara Asei Dantoni: Je suis Barbara Asei Dantoni, artiste plasticienne. Je suis une femme franco-italo-camerounaise, et cette identité multiple est le point de départ de mon travail de création. Par le biais de différents médiums – peinture, textile, bois, métal, etc.- j’explore tout ce qui constitue ma multiculturalité, convoquant mes ancêtres et ma féminité.

Asakan: Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Barbara Asei Dantoni: En tant que personne croyante, je pense que l’art est ce qui rapproche le plus les humains de Dieu (en tant qu’entité créatrice, possiblement féminine). Dans le processus de création et dans la création elle-même. Dans la trace que nous y laissons. Dans le fait que nos œuvres continuent à vivre après nous… Bien plus longtemps, en traversant les époques.
L’art contemporain est le cadre professionnel et plus cartésien dans lequel s’inscrit cette pratique, régi par ses codes et ses acteurs. C’est le cadre pensé par les humains pour étiqueter ce qui parfois n’est pas étiquetable.
Asakan: Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
Barbara Asei Dantoni: Je l’ai su très tôt je crois, dès mes premiers croquis sur des petits bouts de papiers, vers 4-5 ans.
Pendant toute mon enfance, je pouvais passer des journées entières seule tant que j’avais des crayons, de la peinture, de l’argile ou des perles, bref n’importe quoi pour créer quelque chose. C’est un endroit où je me suis toujours sentie “entière” et à la bonne place.
Témoins de cette passion pour l’art, mes parents m’ont fait intégrer l’école du musée des Beaux-Arts de Pau à l’âge de 11 ans. Je m’y suis formée au dessin académique, à la peinture et au modelage jusqu’à l’âge de 18 ans.
Puis, je me suis orientée vers une école de design après le bac. Et après avoir exercé plusieurs années comme designer industriel, le métier d’artiste plasticienne m’a rattrapée.
Asakan: En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Barbara Asei Dantoni: Mon art est un art hybride, à la croisée de différents mondes. C’est un langage dans lequel se croisent mes différentes cultures, à travers des formes non identifiables, qui mêlent ancestralité, nature, symboles, spiritualités…
Comme je souhaitais parler de l’intime, de l’âme, d’identités imaginaires, je représente très peu d’éléments figuratifs, leur préférant des silhouettes hybrides pouvant évoquer des masques, végétaux, des formes organiques ou animales. J’aime aussi tromper l’œil avec différents effets de matières. L’impression de tissage textile par exemple est une expression qui revient souvent dans mon travail.
Pour moi c’est une façon de célébrer cette diversité culturelle. Et par ce biais de parler de nos humanités profondes, de nos identités complexes par le biais de l’abstraction.
Mon “empreinte” si on veut l’appeler comme ça, est le fruit d’années de réflexion sur mes origines et tout ce qui me constitue… Mais je préfère ne pas parler de “finalisation de mon empreinte”, c’est trop radical. Rien n’est jamais figé, tout est en perpétuel mouvement.






Asakan: Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Barbara Asei Dantoni: Mes premières inspirations viennent de mon environnement proche : l’artisanat du Cameroun, les masques, les objets utilisés dans les cérémonies traditionnelles, la nature puissante du pays, l’intérieur des églises italiennes, l’art sacré…
Il y a eu aussi ce choc visuel vers 2003, devant les coiffes et parures ornementales de peuples amazoniens exposées à l’Ambassade du Brésil en France. Ce jour-là, j’ai pris conscience du pouvoir magique de la couleur.
Et plus tard également, en 2014, un coup de foudre pour l’œuvre de l’artiste colombienne Olga de Amaral. Son œuvre fait d’ailleurs l’objet d’une rétrospective à Paris (enfin!) à la Fondation Cartier, courrez-y !
Asakan: Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Barbara Asei Dantoni: Le public c’est un terme très large…
Les personnes qui viennent me voir sur les foires, en galerie, ou qui m’écrivent, le font parce qu’elles sont touchées par mon travail, parce que mes œuvres leur parlent, les émeuvent…
Évidemment il est plus compliqué d’avoir des retours de personnes qui n’aiment pas du tout votre travail.
Donc le public qui communique avec moi le fait par affection pour mon travail, parce que mes œuvres résonnent en elles et eux.
Le “milieu artistique” est une notion très large aussi. Car il n’y a pas “un” milieu mais “des” milieux. Un artiste est en général entouré d’un “cercle” artistique, et ce cercle l’entoure justement par intérêt pour son travail : commissaires, collectionneurs, journalistes, galeristes, artistes, amateurs, etc… C’est mon cas et c’est une chance.
Je sais aussi que certaines personnes du monde de l’art qui ont l’habitude de mettre l’art dans des cases ou des catégories, ne savent pas où situer mon travail. Ne le comprennent pas bien encore peut-être ? Tant mieux. C’est la preuve que mon travail est différent, et je n’ai jamais aimé faire comme les autres.
Asakan: Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
Barbara Asei Dantoni: Je leur dirai qu’il faut être patient car c’est un chemin qui prend du temps. Il faut apprendre à sortir de sa zone de confort, et rester toujours en action. Ne pas attendre que quelqu’un vienne vous chercher au fond de votre atelier pour vous mettre dans la lumière. Les choses ne se passent pas comme ça. Il faut être combatif-ve, ne rien lâcher. Et surtout toujours croire en soi et au message que l’on veut porter. Être artiste est une profession mais c’est aussi une mission. Donc il faut être au clair avec sa mission, afin que personne ne puisse vous en dévier.
Pour plus d’informations sur le travail de Barbara Asei DANTONI,
La Rédaction.