Coup de Cœur avec l’Artiste Peintre Franco-Béninoise Isabelle Bulczynski Dossa 

Artiste, Enseignante ainsi que Directrice et Fondatrice de l’Association GAIA FASO (Groupement Alternatif d’Initiatives Artistiques du Faso), Isabelle Bulczynski ancre son travail à la croisée entre les arts plastiques et l’art thérapie, le temps et la matière, l’art et l’environnement, l’audace et la fascination avec en toile de fond un medium très particulier : la tôle rouillée.

Coup de Cœur.

Isabelle Bulczynski Dossa Crédit Photo : DR.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?

Isabelle Bulczynski Dossa : Je me nomme Isabelle Bulczynski Dossa, d’origine franco-béninoise.


Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?

Isabelle Bulczynski Dossa : Je ne me suis jamais posé cette question. Depuis enfant, j’ai besoin de peindre comme de manger ou de boire. C’est vital. Vivre c’est créer. Créer c’est vivre. L’art me permet de transmettre mes émotions, qu’il me serait impossible de partager autrement que par la peinture, le modelage ou la sculpture. C’est la raison pour laquelle, après avoir fait mes études artistiques, j’ai aussi fait une formation d’art thérapeute.

J’aime l’art contemporain car les artistes de notre époque peuvent s’exprimer sans tabou, ni retenue. Ils sont, sans complexe, le miroir de la société actuelle et du monde.

Je pense tout particulièrement à l’artiste pluridisciplinaire d’origine ivoirienne, Laetitia Ky, même si nous sommes différentes artistiquement. Elle ose une approche crue et sincère pour dénoncer le sexisme et le racisme.

S’imposer sur la scène artistique en tant que femme, encore aujourd’hui, est plus compliqué que cela ne parait…


Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?

Isabelle Bulczynski Dossa : J’ai commencé à peindre j’avais 8 ans et vers l’âge de 15 ans, j’ai rapidement voulu orienter mes études vers une carrière artistique. Par contre, pour mes parents, être artiste n’était pas un métier et j’ai dû les convaincre. J’ai pu suivre des études d’art appliqué dès la classe de seconde, grâce à un professeur d’art plastique de collège qui m’aidé à préparer mon concours d’entrée de l’école.


Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?

Isabelle Bulczynski Dossa : Pour moi, il n’y a aucune frontière entre nous et le monde. Tout est continuité. La matière et le vivant sont constitués de façon identique. Ils diffusent en permanence des messages nés de leur propre recyclage. Nous sommes tous (matière ou humain) des constructions recyclées, par la matière et par le sens. Et c’est de cela dont je parle dans mon travail. Corps composites, hybridation, oxydations signifiantes : tout est message.

En 2017, j’ai commencé ce travail d’observation et de réflexion sur le métal oxydé. Tout d’abord le métal dans cette corrosion qui génère, puis par le collage, d’autres éléments qui viennent en symbiose, le wax, le raphia, de la terre, et la main qui voyage dans cette chair vivante et féconde. Mes tableaux parlent de cet enfantement contigu.

Les références sont permanentes à la MATER  qui est matrice et matière.

Une plaque métallique nous dit de façon émotionnelle ce qu’elle est, à l’image de ce que nous ignorons de nous-mêmes, un instant qui suit et qui précède dans la (dé)composition.

Une plaque métallique oxydée, dont les déchirures, les enfoncements et les trous mesurent l’écoulement du temps, renvoie à des personnages et à des formes intemporelles. Peindre sur la tôle rouillée, c’est révéler une image, réveiller la mémoire d’un être qui reviendrait du passé et à qui elle donne l’occasion de reprendre vie. Des figures s’animent, figures qui pourraient elles-mêmes provenir d’une mémoire encore chaude, de celles qui nous habitent encore et qu’il importerait de réanimer pour en prolonger un peu le discours.


Isabelle Bulczynski Dossa, « L’Elue, le choix des ancêtres », 2023.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 100 x 80 cm
Isabelle Bulczynski Dossa, « Renaissance », 2023.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 68  x 33 cm
Isabelle Bulczynski Dossa, « Où est le sacré ? », 2024.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 97  x 77 cm

Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?

Isabelle Bulczynski Dossa : Mon travail est centré sur les questions sociales et humaines à travers des thèmes comme l’injustice, le racisme, la stigmatisation, les stéréotypes, les clichés, l’intolérance, les inégalités, l’hybridation et le métissage de tout genre. La réalité du monde est ma source d’inspiration.

Le métal est une invitation dans un espace où le passé, le présent et le futur se confondent. Chaque goutte d’humidité lui offre une possibilité de se muer en autre chose et offrir des messages imprévisibles. Par ces formes, je me relie à moi-même et au monde. Se relier, trouver des passerelles entre les hommes. Recréer un espace neutre où la vie pourrait renaître, apaisée et harmonieuse.


Isabelle Bulczynski Dossa, « Tu n’as pas vu mon chat ? », 2024.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 87  x 67 cm
Isabelle Bulczynski Dossa, « J’aimerais savoir », 2024.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 87 x 67 cm
Isabelle Bulczynski Dossa, « Méditation 7 », 2024.
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 48 x 27 cm

Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique?

Isabelle Bulczynski Dossa : Les visiteurs de mes expositions sont d’abord touchés par les regards de mes personnages jusqu’aux larmes pour certains.

Les journalistes, critiques d’art ou galeristes que j’ai pu rencontrer disent que j’ai beaucoup réfléchi sur ce concept du métal oxydé qui revêt en Afrique une visibilité accrue, tout simplement parce qu’elle prend différentes dimensions. D’après eux, je parle de l’existentiel au travers de mes œuvres, tout en envisageant d’autres pistes aux limites de l’obscurité et de la clarté, dans des endroits difficiles à atteindre et concevoir. L’art en fait partie, la spiritualité aussi. L’un et l’autre croisent des visages, creusent des métamorphoses. Je leur donne corps, au sens physique du terme ; je les incarne.

Pour mon œuvre « l’arbre de vie d’une autre monde », le critique d’art et collectionneur franco-burkinabé Lucien Humbert tombe en arrêt devant la toile. Les mots lui viennent, tout simplement : « Cette œuvre fait penser au poème « Souffles » de Birago Diop. De la tôle rouillée qui évoque l’œuvre du temps sur la matière, l’artiste fait émerger un arbre-harmonie qui lie une famille humaine, entre eux d’abord, mais aussi à la nature, aux esprits, mémoire cultivée des anciens qui « sont partis, mais qui sont toujours là », et aux autres êtres vivants – animaux, végétaux. Des choses anciennes, vieilles et rouillées, parlent avec des formes neuves, des tissus de couleurs. C’est ainsi que le monde se construit. L’avenir emprunte à toutes les époques et rafistole ainsi ce passé en devenir. Isabelle Bulczynski contemple la matière comme dans le poème de Diop, où celui-ci conseille d’écouter les éléments. ».


Isabelle Bulczynski Dossa, « L’arbre de vie d’un autre monde ».
Acrylique, antirouille, oxydes et pagnes collées sur tôle rouillée, 250  x 200 cm

Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?

Isabelle Bulczynski Dossa: Si je devais transmettre des conseils à des jeunes désireux de se lancer dans l’art, je dirais:

  • Ne pas se laisser influencer par leur entourage
  • Etre fort et persévérant. Croire en eux 
  • Travailler sans relâche et se laisser aller à sa créativité !

Pour plus d’informations sur le travail d’Isabelle Bulczynski Dossa,

La Rédaction.

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