L’art de la résilience

Il y a un an, la vague des fermetures des cinémas, de commerces, de cinémas, des théâtres et salles de spectacle battait leur plein… Aujourd’hui, beaucoup de musées sont encore fermés ; des festivals, foires, salons du livre sont toujours indéfiniment reportés et bien que l’embellie semble se pointer en Europe, les professionnels du secteur de l’art, de la culture et de l’évènementiel sont sans aucun doute ceux qui payent le prix fort de la propagation infernale de celui qu’on a appelé l’Ennemi invisible.

Daouda Ndiaye, Prière confinée. Crédit Photo: Daouda Ndiaye.

Tout au long de l’histoire, les cultures trop rigides pour s’adapter à de nouvelles circonstances se sont vu dissiper par la perte graduelle ou subite de leur capital intellectuel, physique, économique ou social. En revanche, les sociétés résilientes ont eu la capacité d’absorber les perturbations, d’être changées, puis de se réorganiser en conséquence, d’apprendre des perturbations et d’être meilleures qu’hier et ce, sans perdre ce qui constitue fondamentalement leur identité, leur ADN. Assurément le milieu des arts, cultures et de l’évènementiel l’a été tout au long de cette période !

Aux antipodes du développement à l’Occidental, les artistes et créateurs du continent, habitués à réinventer le monde à coups de lance-pierre, des morceaux de ficelles et des bouts de bois de Dieu semblent trouver en cette pandémie une nouvelle source d’inspiration et ont mis en place de nouveaux modes de création et de diffusion. Du nord au sud de l’Afrique et ailleurs, les acteurs du milieu de l’art font front commun face à des conditions en perpétuelle évolution et se réinventent en faisant preuve davantage de créativités, en amenant des réponses justes et efficaces ainsi qu’en adoptant des comportements nouveaux.

Certains salueront le «modeste soutien » des pouvoirs publics au plus fort de la crise. D’autres noteront que le confinement au bout du compte aura permis de créer de nouveaux modes alternatifs de production, de présentation, de diffusion et de distribution. D’autres encore diront qu’il y a bien des œuvres qui se sont vendues à des prix colossaux ici et là. Mais combien comprennent et comprendront que, sans une réelle structuration du marché de l’art sur le continent avec des lois régulant le milieu culturel notamment en protégeant tous les acteurs du milieu, de pareilles crises risquent d’avoir des conséquences plus fâcheuses à l’avenir ?

Le 27 février 2020, en pleine crise du Covid 19, les artistes Burkinabè sont passés à la caisse du Bureau Burkinabè du Droits d’Auteurs, le BBDA. L’organisme d’Etat a redistribué ainsi les quelques 3 milliards de Francs CFA récoltés auprès des entreprises, chaînes de radio et de télévision et même des partis politiques reconnaissant l’exploitation des œuvres d’esprit des artistes et créateurs Burkinabè. Même si tout le monde n’est pas logé à la même enseigne dans cette redistribution, il faut reconnaître qu’à l’échelle du continent, cette initiative est presque inimaginable.

Loin de vouloir déterrer le dossier opaque de la gestion des droits d’auteurs en Afrique, un sujet sur lequel de nombreux spécialistes se sont déjà penchés à l’exemple de Laurier Pierre Ngombe, il est désolant de constater que les milliards d’euros que rapportent les perceptions des droits d’auteurs de par le monde, l’Afrique n’engrange que 1% de ces sommes. Incompétence et amateurisme des administrateurs des BDA associés à une vraie volonté des politiques locales de priver tout un corps de métier du fruit de son labeur afin de maintenir cette couche de la population sous leurs bottes, tout en les livrant à une forme de mendicité.

Ainsi, sous l’ère Covid19, pas plus de 7 pays, avec en tête l’Algérie, arrivent chaque année à payer aux artistes et leurs ayants droit leurs dus afin que ces derniers vivent de leur travail, survivent et continuent de travailler et de créer sous la spirale infernale. Au même moment, des millions d’entre eux, avec ou sans revenus des perceptions, ni aucun soutien des structures étatiques, ni de leurs institutions décentralisées, encore mieux aucune volonté politique leur permettant de croire en de meilleurs lendemains, doivent vivre et continuer de créer parce que c’est ce qu’ils savent faire le mieux.

Outre la question de la réglementation du milieu et notamment du statut des artistes, droits d’auteurs compris, on oublie bien souvent que les arts et cultures ne profitent pas qu’à celles et ceux qui les font, les produisent et les diffusent. Ils sont autant indispensables à notre bien-être mental, à l’émancipation et au bonheur de notre société, l’émergence tant souhaitée de nos pays en dépend.

Article publié pour la première fois en avril 2021

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