Dans une œuvre portrait où se mêlent mélancolie, couleurs, nature, et design textile, le travail de Rachel Marsil plonge avec douceur le spectateur dans les méandres de l’identité, de la mémoire et des représentations qui peuvent y être liées.
Elle est notre Coup de Cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
L’Artiste : Je m’appelle Rachel Marsil, je suis née et réside en France. Ma pratique se concentre particulièrement sur la peinture et s’accompagne de sculptures ou broderies.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
L’Artiste : Ayant grandi en région parisienne, j’ai suivi des cours d’histoire de l’art en étant au lycée, ce qui m’a donné la chance de pouvoir découvrir l’art contemporain en étant guidée par des yeux plus aguerris et par les sorties que nous faisions. Aujourd’hui je mesure mieux la complexité de la création artistique et de ses ramifications.
J’ai longtemps – peut être encore actuellement – eu peur de ce titre « d’art contemporain », le liant souvent à l’idée d’art conceptuel dont je ne maîtrisais pas forcément les codes ni la logique. C’est une peur qui, je pense, pousse beaucoup de gens à ne pas se sentir à la hauteur, pas assez cultivés pour le comprendre, comme un art réservé à une élite intellectuelle.
Etant diplômée de l’école des arts décoratifs en textile ce biais, le « décoratif », va alors parfois à l’inverse de cet idéal contemporain. Je pense cependant que l’art est un moyen de parler à tout le monde et que le terme contemporain est à a entendre pour sa valeur première: pensé dans notre contexte contemporain, ses crises et ses avancées.
Qu’on ait une connaissance de l’histoire de l’art ou pas, qu’on soit issu.e d’un milieu où on a pu avoir accès à l’art, aux musées ou pas, l’art a ce pouvoir fédérateur qui nous permet d’engager des discussions, des liens, des débats, voire des polémiques dans certains cas.
Ma vision de l’art contemporain s’est ainsi forgée au fur et à mesure de mon expérience en tant que peintre et la découverte d’artistes de ma génération, qui engagent un travail sensible et ancré dans notre époque et les questionnements qui la traversent.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
L’Artiste : L’ai-je vraiment su ?
Ce que je peux répondre par-là, c’est que j’ai eu beaucoup de mal a me considérer comme une « vraie » artiste. J’ai attendu de présenter une première exposition personnelle pour pouvoir le dire timidement. Mon chemin m’a permis de pouvoir m’y consacrer pleinement par la suite, autrement j’aurais continué de peindre pour moi, ce qui aurait aussi duré toute ma vie.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
L’Artiste : Je décrirais mon art comme une fenêtre sur un univers où je projette les sentiments qui me traversent. Un art de réparation, de calme et de refuge qui m’a permis de mettre en image le besoin de proximité, de care, de famille et de douceur.
Mes personnages ont souvent une échelle humaine, ce qui me permet d’établir un dialogue silencieux entre eux/elles et moi. Par-là, j’ai l’impression de me créer une grande famille où chacun des membres vient symboliser une période de ma vie. C’est un art cathartique qui nécessite ses moments de vigueur, ses moments de pause et de réflexion.
Je ne sais pas si je suis aujourd’hui parvenue à la finalisation de mon empreinte artistique, car le travail de chaque artiste est toujours en évolution. Je cherche toujours des moyens de penser de nouvelles scènes et de nouveaux thèmes.

Huile, acrylique, pastel sur toile et broderie de raphia, plastique, 196 x 145 cm Courtesy de l’Artiste

Bronze et bois d’Azobé, 36 x 12 cm Courtesy de l’Artiste

Acrylique, huile et pastels gras sur toile de lin, 188 x 145 cm Courtesy de l’Artiste

Acrylique, huile sur toile de lin, 58 x 92 cm Courtesy de l’Artiste

Acrylique, pastels gras sur toile de lin, 44 x 41 cm Courtesy de l’Artiste

Huile et acrylique sur toile de lin, 187 x 141 cm
Courtesy de l’Artiste

Acrylique et huile sur toile, 154 x 122 cm
Courtesy de l’Artiste
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
L’Artiste : La rencontre d’œuvres lors d’une exposition ou au cours de mes feuilletages est, pour moi, toujours une source d’inspiration. Je me nourris alors de beaucoup d’images, qu’elles soient personnelles, d’inconnus qui postent les leurs, de mode ou de livres d’artistes que je collectionne.
Parmi ces inspirations je pense notamment à des artistes comme Lynette Yadom Boakye, Toyin Ojih Odutola, Chris Ofili, Frank Bowling ou Kerry James Marshall pour ne citer que quelques-uns… Mais mon œil balance entre cette contemporanéité et des artistes du siècle dernier tes que Brancusi ou Matisse notamment pour leur rapport à l’art africain qui était importé à Paris.
Je cite aussi très souvent les photographes ouest-africains des années 60-70, qui ont permis aux individus de se mettre en scène et d’être plus ou moins maîtres de leur propre image tels que Seydou Keita, Malick Sidibé, Sorry Sanlé, Mama Casset ou la plus actuelle Ruth Ossai qui vient réinvestir ces codes pose/fond.
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
L’Artiste : Je ne suis pas sure de pouvoir vraiment répondre à cette question. Finalement les retours sur mon travail se font lors d’expositions, ou à l’annonce de nouveaux projets.
J’imagine que ma pratique est suivie par le public et le milieu artistique du moment que celui-ci me porte sur de nouvelles expositions, résidences ou rencontres professionnelles.
Il y a, en effet, quelque chose de touchant dans le fait d’entendre des anecdotes ou des projections racontées par les spectateurs et spectatrices à la vue d’une œuvre. C’est pour moi là que réside une des chances d’être soutenue et de pouvoir évoluer dans le milieu de l’art.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
L’Artiste : Mes conseils se porteraient sur des questions à la fois techniques et d’ordre personnel: L’art n’est pas qu’un « don », mais il se travaille, se pratique, il se cultive, aussi, nos inspirations peuvent évoluer.
On a le droit de faire des erreurs et bien sûr la peur de la page blanche nous guette. Il est important de se laisser le temps de digérer pour mieux ancrer sa vision artistique. Mais cela ne doit pas retenir le premier coup de crayon ou de pinceau !
Niveau pratique, je conseillerais à chaque artiste de se faire un inventaire de ses œuvres, avec photos de qualité, titres, dates et médiums: une bonne organisation de votre pratique pourra vous économiser du temps au moment où vous voudrez faire des dossiers et partager votre travail.
Pour plus d’informations sur le travail de Rachel Marsil,
La Rédaction.