Du dessin à la peinture en passant par diverses techniques mixtes, LEUNA NJIELE Noumbimboo (née en 1996 à Garoua) n’a cessé de décliner, depuis sa sortie des Beaux-Arts de Nkongsamba en 2019, une œuvre riche et puissante qui interroge notre monde à travers notre regard sur nous-mêmes, la nature et notre mémoire individuelle et collective.
Coup de Cœur.

Photo : DR.
Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
L’Artiste : Je suis LEUNA NJIELE Noumbimboo. Artiste, Maman, Fille de la terre et Epouse d’un artiste avec qui je tisse une vie de création, de tendresse et de combat.
Je vis et travaille à Douala au Cameroun. Je crée avec mes mains, mes racines et mes silences.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
L’Artiste : L’art pour moi est un souffle vital, un langage organique, intime et intuitif par lequel j’explore la mémoire du corps et celle de la terre. C’est aussi cet espace où ma vie intérieure raconte le visible, où je me permets de créer, de transmettre, de désobéir à ma guise, de transcrire tout ce qui nait en moi.
L’art contemporain est un champ libre où je cultive toute matière, tout sujet qui m’est sensible, où je peux oser différentes techniques et matériaux pour obtenir un résultat beaucoup plus proche de ce que j’ai envie de retenir ou de faire ressortir.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
L’Artiste : Toute petite, j’ai toujours dessiné. Je crois mon premier concours que j’ai gagné, c’était une initiative lancée par mon père. Un soir, dans notre maison, il avait dit à mes frères et moi que la personne qui allait le représenter le mieux aurait une somme de 500 FCFA. Et j’avais gagné la pièce avec mon dessin. Je devais avoir 11 ans, j’étais toute contente. Et à chaque fois qu’il nous lançait de tels défis à la maison, j’essayais de faire de mon mieux.
Plus tard, après avoir obtenu mon baccalauréat en enseignement général, j’ai voulu faire la géographie à cause des dessins de cartes et roches. Mon père, toujours lui (sourires) m’a alors réorienté vers l’Ecole des Beaux-Arts de Nkongssamba. J’ai donc passé le concours et j’ai été admise. Mais, c’est quand il a fallu que je me spécialise pour master, que j’ai pris conscience de ce que l’art allait représenter dans ma vie : ma passion, mon métier, mon partenaire. Depuis, c’est un chemin qui me choisit autant que je le choisis, jour après jour. Il est ma façon de regarder le monde, de le ressentir, de vouloir le guérir, et partager des expériences.

Collage papier et Acrylique sur toile, 160 x 128 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
L’Artiste : Vous savez, la vie est remplie de nœuds. Nous ne sommes pas des êtres détachés l’un de l’autre. Il existe toujours une forme de lien avec autrui, car notre vie tient forcément d’une autre vie et notre chair émane d’une autre. Mon artest une représentation de ces traits de connexion, de notre lien à la nature et à tous les êtres avec lesquels nous créons la continuité de vie.Pour cela, je travaille avec des éléments simples, feuilles mortes, tissu, papiers, posca, tresse, acrylique, collage pour tisser des liens entre le féminin, la nature, et les mémoires invisibles, pour raconter des histoires intimes, spirituelles et écologiques. Car, créer, pour moi, c’est écouter, réparer, transmettre.
Parlant d’empreinte, tout commence par le dessin, ensuite je découvre la peinture aux Beaux-Arts et puis j’explore la vidéo dès 2019 lors d’un concours sur l’intermédialité avec le docteur Komguem Achille (dit Achilleka). Mon postmaster auprès des ateliers, Hervé Youmbi me fait découvrir le collage à la recherche d’une représentation texturée du corps sur toile. Mes résidences aux Ateliers Sahm au Congo, à Bandjoun Station au Cameroun et à la Galerie Les Arts du Soleil au Sénégal en 2022 m’ont été aussi d’un grand secours dans ma recherche. Mais je ne pense pas avoir finalisé mon empreinte. Pas à pas, elle s’affirme, elle se précise.
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
L’Artiste : Je puise mon inspiration dans le vivant, l’intime. Mon corps, celui des femmes autour de moi, les paysages de mon enfance et ceux qui m’entourent, les forêts, les gestes du quotidien. Je suis aussi nourrie par l’artisanat africain, les femmes artistes, les luttes pour la mémoire et l’écologie.
Les thèmes qui traversent mon œuvre sont en général l’humain, ma vie, la vie, le corps féminin comme lieu de mémoire, de tension, de beauté et de résistance. Je parle également de terre, de nature blessée, de colonisation, de deuil et d’enracinement. Avec l’ambition de faire ressentir de la tendresse, de la douleur avec douceur, de l’espoir, du sacré.
Je cherche surtout à toucher en silence.

Collage papier et Acrylique sur toile, 76 x 135 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil

Collage papier et Acrylique sur toile, 90 x 100 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil

Collage et Acrylique sur toile, 80 x 70 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil



Leuna Njiele Noumbimboo, « Sans Titre », 2024. Expérimentation broderie et collage papier sur toile, 20 cm de diamètre x 3. Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil

Collage et Acrylique sur toile, 150 x 130 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil

Collage et Acrylique sur toile, 150 x 100 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil

Collage et Acrylique sur toile, 150 x 130 cm Courtesy de l’Artiste et de la Galerie Les Arts Du Soleil
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
L’Artiste : Je ne peux pas parler pour le grand public aussi bien que pour le monde de l’art, mais j’ai souvent eu des retours qui disent que mon travail a quelque chose de profond, de sensible. On me parle de douceur, de spiritualité, de lien à la nature et à la mémoire.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art?
L’Artiste : Je dirais : écoute-toi. Ne cherche pas à plaire, cherche à être vrai·e. Prends ton temps, sois patient·e avec ton processus. L’art, ce n’est pas une course. C’est un chemin. Et même si c’est parfois difficile, si tu crées avec sincérité, tu trouveras ta place. Et surtout : tu n’es pas seul·e !
Pour plus d’informations sur le travail de LEUNA NJIELE Noumbimboo,
La Rédaction.