Exposée de mai à juin 2025 au Lieu Commun de Toulouse dans le cadre du Festival du Nouveau Printemps, Aria Maillot (née en 1993) est une artiste au parcours atypique. Tout d’abord, cuisinière, elle laisse tomber les casseroles pour rentrer à l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse d’où elle sort diplômée en 2023. Depuis lors, elle combine ses deux passions en travaillant avec des matériaux périssables pour produire des installations et des peintures évolutives qui explorent la condition humaine, la nature, ainsi que notre rapport au vivant.
Elle est notre Coup de Cœur.

Crédit Photo : Myriam Malfre
Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
L’Artiste : Je m’appelle Aria Maillot, j’ai 31 ans et je suis une artiste pluridisciplinaire française. Je travaille principalement avec des matières organiques et comestibles, parce qu’elles me permettent de parler de ce qui me traverse intimement.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
Aria : Pour moi, l’art, c’est partager une manière de voir le monde, une perception intime et singulière. Et je crois que cette forme, quand elle est juste, touche d’une manière ou d’une autre.
L’art contemporain, c’est une sorte d’état des lieux : un ensemble de visions du monde actuel. Je crois qu’il a pour vocation de susciter des questionnements.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
Aria : Ce n’est pas si simple de répondre à cette question. J’ai toujours voulu faire de l’art, mais pour y consacrer sa vie, il faut beaucoup de confiance en soi. Et ça, j’ai mis du temps à le trouver. J’ai d’abord commencé dans le monde de la cuisine, puis j’ai démissionné et je me suis inscrite aux Beaux-Arts à 25 ans. Alors c’était déjà un engagement en soi, mais à partir de ce moment, j’ai su que j’étais à ma place. Je crois que c’est l’une des décisions les plus fortes que j’ai prises dans ma vie et aujourd’hui j’y mets absolument toutes les ressources que j’ai à ma disposition : émotionnelles, temporelles, financières. Cela demande une persévérance immense, et je crois que c’est justement ça, se consacrer.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Aria : Je crois que mon travail artistique est le résultat de mon parcours, un mélange de recherches qui relèvent de la cuisine ou de la chimie, et d’autres plus plastiques, liées aux arts visuels. Quand je parle de mon travail, j’explique que je me sers du pouvoir de transformation de la matière comme on se servirait d’un crayon pour écrire une histoire. Et c’est cette matière elle-même, mise en place, disons, qui raconte.
Je fonctionne beaucoup avec des parallèles, avec des transformations organiques, physiques ou chimiques, qui me font penser, dans leur processus, à des expériences qui me transforment moi-même — et qui transforment aussi la société.
En entrant aux Beaux-Arts, j’avais déjà une approche particulière, héritée de mon parcours en tant que cuisinière. Mais pendant ces cinq années d’études, j’ai vraiment pu expérimenter puis construire une pratique plus aboutie. Je pense surtout que c’est au cours de ces deux dernières années d’études que j’ai vraiment trouvé la direction de mon travail. Mais c’est évidemment un processus en perpétuelle évolution. Car je remets très souvent mon travail en question, et je sais qu’il continuera à évoluer.

Sirop d’érable cuit, dimensions variables
Courtesy de l’Artiste

Vue de l’exposition Ways of seeing, Odyssud, Blagnac
Bénitier, levain, et dragée, Dimensions variables
Crédit Photo : Raphaël Reich
Courtesy de l’Artiste

Vue d’exposition lors des Journées portes ouvertes des ateliers d’Occitanie, Toulouse
Alcool blanc, jus de kaki sur papier, sulfate de fer, 80.5 x 120 cm
Courtesy de l’Artiste

Gouache blanche, jus de citron, bicarbonate de soude et vin rouge sur toile, 200 x 140 cm
Crédit Photo : Franck Alix
Courtesy de l’Artiste

Vin rouge, dimensions variables
Photo : Franck Alix
Courtesy de l’Artiste

Vue de l’exposition Vingt-trois, Lieu-commun artist run space, Toulouse
Bâche sur châssis, dimensions variables
Courtesy de l’Artiste

Gouache blanche, jus de citron, bicarbonate de soude, et vin rouge sur toile, 170 x 180 cm
Crédit Photo : Franck Alix
Courtesy de l’Artiste
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Aria : Mes inspirations artistiques sont variées : elles vont de la peinture préraphaélite aux textes de Ryoko Sekiguchi, en passant par le travail de Sophie Calle, et prennent des formes multiples. La matière, dans toutes ses transformations — qu’elles soient issues de la nature ou de la cuisine — constitue particulièrement pour moi un terrain d’exploration permanent.
Je crois que nous sommes constamment influencés par notre entourage, par notre éducation, par ce que nous consommons, et par tout ce qui contribue à faire de nous la personne que nous sommes. Et tout ce qui me transforme nourrit également directement mon travail.
Pour ce qui concerne mes thèmes de prédilection, certains éléments sont récurrents dans mes œuvres : le corps et ses métamorphoses, les relations interpersonnelles, la féminité, et plus largement tout ce qui touche à l’intime.
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Aria : Le public porte un regard vraiment curieux sur mon travail. Parfois, la matérialité de mes pièces suscite autant la répulsion que l’intérêt, créant un rapport presque de séduction‑répulsion. Mais ce qui revient le plus souvent, c’est la curiosité.
Je n’aime pas donner de lectures toutes faites et j’apprécie d’échanger avec le public, de voir qu’il s’approprie les récits que je mets en place et en fait sa propre lecture. Il y a une vraie liberté dans cette manière de recevoir mon travail.
Le milieu artistique est attentif à ce que je fais et je l’en remercie. Cependant il peut parfois se montrer inquiet, notamment pour les questions de conservation et l’évolution des matériaux que j’utilise.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art?
Aria : Mon premier conseil, c’est la persévérance. Quelqu’un m’a dit un jour : « ce n’est pas un sprint, c’est un marathon » et c’est vrai. C’est l’endurance qui permet d’évoluer dans son travail et dans ce milieu. Ensuite, il est important de trouver son équilibre financier. Je n’ai pas encore trouvé le mien, mais je crois que c’est essentiel pour éviter la frustration. Entourez-vous aussi des bonnes personnes, pensez collectif et entraidez-vous. Enfin, soyez humble, mais n’ayez pas peur de partager votre travail.
Pour plus d’informations sur le travail d’Aria Maillot,
La Rédaction.



