Né Losso Marie-Ange Dakouo en 1990 en Côte d’Ivoire et titulaire d’un Master du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia de Bamako dont il est sorti major en 2017, il est l’un des artistes maliens qui montent actuellement, puisqu’il a déjà l’attention du monde de l’art international et a notamment participé à la prestigieuse Documenta à Kassel en 2022.
Coup de Cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez-vous vous présenter ?
L’Artiste : Je m’appelle Ange Dakouo, artiste plasticien malien. Je vis et travaille à Bamako, où j’ai été formé au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté.
Je fais partie du collectif Tim’Arts, qui est un collectif d’artistes plasticiens basé à Bamako et qui regroupe une dizaine d’artistes.
Mon travail explore les notions de protection, de transmission et de solidarité, à travers des œuvres inspirées des traditions ouest-africaines, notamment celles des chasseurs Donsos. (1)
J’expérimente différentes techniques et matériaux, notamment le papier journal, le carton et le fil de coton, que je transforme en « gris-gris tissés », une forme contemporaine d’amulette protectrice.

Courtesy de l’Artiste
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
L’Artiste : Pour moi, l’art est un langage universel, un outil de transmission et de questionnement. C’est une mémoire vivante, capable de tisser des liens entre les époques, les cultures et les individus.
L’art contemporain, quant à lui, est une fenêtre ouverte sur le monde actuel : il dialogue avec le passé tout en interrogeant le présent et en esquissant l’avenir. Il n’a pas de limites, il peut être engagé, contemplatif, politique ou spirituel. Ce qui m’intéresse, c’est sa capacité à révéler l’invisible et à créer du lien entre les êtres.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
L’Artiste : Je crois que l’art a toujours été présent en moi. Fils d’imprimeur, j’ai grandi entouré de papier et d’images. Très tôt, j’ai ressenti le besoin de créer, d’exprimer ce que je ressentais à travers le dessin et la peinture. Mais c’est véritablement au cours de ma formation au conservatoire que j’ai pris conscience que l’art n’était pas seulement une passion, mais une nécessité, une manière d’être au monde. Depuis, chaque œuvre que je crée confirme cette évidence.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?
L’Artiste : Mon travail est un tissage d’histoires, de matières et de symboles. Il s’inspire des traditions africaines, notamment des amulettes protectrices, que je réinterprète sous une forme contemporaine. J’ai développé une technique que j’appelle les « gris-gris tissés », où je mêle papier, carton et fils de coton pour créer des œuvres à la fois fragiles et résilientes. Cette approche est née d’un long processus d’expérimentation, d’observation et de réflexion sur la mémoire, la protection et l’interdépendance des êtres.
Mon empreinte artistique s’est affirmée progressivement, en puisant dans mes racines et en les confrontant aux réalités du monde actuel.

Courtesy de l’Artiste

Courtesy de l’Artiste Photo : Mariam Niaré

Courtesy de l’Artiste Photo : Mariam Niaré
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
L’Artiste : Je suis influencé par les traditions africaines, notamment les pratiques des chasseurs Donsos et leur vision du monde, où l’homme, la nature et les énergies sont intimement liés.
Mon travail dialogue aussi avec les œuvres d’artistes comme El Anatsui ou Abdoulaye Konaté, qui utilisent le textile et les matériaux recyclés pour raconter des histoires collectives.
À travers mes œuvres, je cherche à évoquer la protection, la mémoire et la résilience. J’explore la fragilité et la force, l’individuel et le collectif, la violence et l’espoir. Mes pièces invitent à la contemplation, mais aussi à la réflexion sur une cohabitation plus harmonieuse entre Humains que nous sommes.
Je fais de la solidarité et de la cohésion sociale, les meilleures réponses face à l’adversité de ce monde en crise.

Courtesy de l’Artiste Photo : Studio Vanssay

Courtesy de l’Artiste Crédit Photo : Salim Cissé

Courtesy de l’Artiste Photo : Eugène Dakouo
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
L’Artiste : Le public perçoit mon travail comme un espace de connexion et de questionnement. Certains y voient une dimension spirituelle, d’autres une réflexion sur la mémoire et l’identité. J’ai souvent eu des retours marquants de personnes qui ressentent une forme de protection ou d’apaisement face à mes œuvres, ce qui me touche profondément.
Dans le milieu artistique, mon travail est reconnu pour sa technicité et sa singularité. Il a été comparé aux sculptures textiles d’El Anatsui ou d’Abdoulaye Konaté, tout en affirmant une identité propre. Cette reconnaissance, notamment à travers de nombreuses expositions et distinctions, m’encourage à poursuivre mes recherches et à approfondir ma démarche.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
L’Artiste : Je leur dirais d’abord d’être sincères dans leur démarche. L’art n’est pas une course, c’est un cheminement personnel qui demande du temps, de la persévérance et de l’authenticité. Il est essentiel de cultiver la curiosité, d’expérimenter sans crainte, et surtout de ne jamais cesser d’apprendre.
Je les encouragerais aussi à s’ancrer dans leur culture, à puiser dans leur propre histoire pour créer un langage unique. Enfin, il faut savoir s’ouvrir au monde, échanger, collaborer et construire des ponts avec d’autres artistes et disciplines. L’art est un dialogue, et c’est en partageant qu’on grandit.
Pour plus d’informations sur le travail d’Ange Dakouo,
- Son compte Instagram.
La Rédaction.
(1) Les Donsos (ou Dozos) sont des chasseurs vêtus d’un habit en coton aux couleurs de la nature. Gardiens d’une pensée et de rites codifiés, représentation du monde originel que l’usure du temps, l’esclavage et le colonialisme ont épargné, ils perpétuent les savoirs traditionnels et sont à la fois guérisseurs et devins.
Ils sont très respectés dans la société malienne.