Avant de s’affirmer sur la scène artistique béninoise, africaine et internationale, nous avons eu la chance de le rencontrer à bien d’occasions. Benjamin Mansan Deguenon (né au Bénin en 1982) n’est pas qu’un artiste autodidacte, c’est quelqu’un de très humain. Et il conserve de cette qualité, un intérêt particulier pour tout ce qui touche l’Homme et son environnement à travers le dessin et la peinture. Mais, non content de creuser physiquement le dessin, de le pousser dans ses derniers retranchements telle la bête qui est en nous, il l’a transformé au fil de sa pratique en sculpture et en céramique.
Coup de Cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez–vous vous présenter ?
L’Artiste : Je m’appelle Benjamin DEGUENON. Je suis artiste plasticien béninois. Je fais de la récupération des métaux pour réaliser des sculptures. Je peins aussi et depuis peu, j’ai également commencé à faire de la céramique.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
L’Artiste : Pour moi, l’art est la discipline de la liberté. Je dis cela parce qu’à travers l’art, on est davantage libre de s’exprimer, d’aborder tous les sujets possibles sans être sous la contrainte ou se sentir obliger.
En ce qui concerne l’art contemporain c‘est, avant tout, une révolution des temps anciens pour une époque où la création est sans limite et sans contrainte. Cette liberté peut se comprendre sous plusieurs formes. Sur le plan matériel, tout artiste contemporain crée à partir de ce qu’il a. Il n’est pas limité par rapport au médium et à partir de là, la technique devient très variée et universelle. Du point de vue idéologique, les idées ont connu une grande révolution. Les idées que nous, artistes, défendons de nos jours vont largement au-delà de ce que les artistes d’avant la deuxième guerre mondiale exprimaient. C’est à croire que dans le passé, l’art était sacré et n’était pas ouvert à tous les sujets sociétaux et, d’ailleurs, à tout le monde. Mais aujourd’hui, il n’a pas de frein et beaucoup s’adonnent à la pratique artistique. Les spectateurs, les amateurs d’art sont souvent émerveillés de voir les différentes créations.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
L’Artiste : Je n’ai pas cherché loin. L’art est venu à moi tout simplement et je n’ai pas eu le besoin de trop creuser. Cela a commencé depuis le collège où je faisais des petits assemblages qui me fascinaient naturellement. Les encouragements de mes professeurs qui ont détecté en moi le talent de dessinateur ont suivi. Mon père n’a pas pour autant apprécié le chemin que je prenais et aujourd’hui, voilà où j’en suis. Toute ma vie est dédiée à l’art et je ne me vois pas faire autre chose.

Courtesy de l’Artiste
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?
L’Artiste : Mon art est unique et traverse le temps. Il est universel et très accessible. Certes je suis collé à mes réalités, mais je parle à tous les peuples du monde. il n’est pas agressif et je n’utilise pas trop de couleurs non plus, parce qu’en face de chacune de mes œuvres, je souhaite que le visiteur puisse lire entre les lignes.
En ce qui concerne mon écriture, cela est venu tout doucement, à force de pratique de jour comme de nuit. Aujourd’hui, je continue toujours d’y travailler afin de ne pas la perdre et si possible de l’enrichir. Par exemple, celui qui a vu mes tableaux ou mes sculptures une fois, ne peut pas douter de mes réalisations en céramique. De même que celui qui voit mes céramiques a déjà vu mes tableaux et mes sculptures.
Les formes de mes sculptures et mes dessins, tout est combiné avec le choix spécifique des couleurs. Et cela laisse le visiteur stupéfait face aux résultats. L’autre chose aussi est que je ne me focalise pas sur une seule matière. Je fais toujours des recherches et même s’il faut me rapprocher des autres collègues pour mieux comprendre, je n’hésite pas. En faisant cela, j’arrive à comprendre la façon dont mes différents supports se comportent et dans quelle mesure on peut les manipuler, les appréhender.
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
L’Artiste : Je suis influencé par des maitres comme Joan Miro, Pablo Picasso, et Jean-Michel Basquiat. Leur sens de la composition, les manières dont ils ont peint, l’équilibre dans leurs réalisations : c’est ce que je privilégie dans mes créations. Car j’ai la conviction que c’est ce qu’il faut pour toucher le cœur du public et je le fais tel que je le ressens.
Dans ce sens, je défends les animaux qui sont en voie de disparition de nos jours. Je dénonce, à travers mon art, ce côté sauvage dont l’homme fait preuve par moment. C’est comme si, nous humains, n’avons pas autant d’humanité en nous que nous le prétendons. Cela sous-entend aussi que nous ne sommes pas autant différents des animaux. Vous comprenez que j’aborde des thèmes variés par mes œuvres. Il s’agit entre autres de l’humain, des animaux, de la nature, de la tradition, tout ce qui est lié à l’ancestral.
En termes d’émotions, je transmets, naturellement la joie de vivre, l’amour, la fraternité et la paix.

Acrylique et blanco sur toile, 100 x 100 cm
Courtesy de l’Artiste

Acrylique et blanco sur toile, 100 x 100 cm
Courtesy de l’Artiste

Acrylique et blanco sur toile, 100 x 100 cm
Courtesy de l’Artiste

Tôle, pointes, boites de conserve, fil à coudre, ficelle artisanale, 163 x 42 x 52 cm
Courtesy de l’Artiste

Tôle, pointes, boites de conserve, tissus, fil à coudre, ficelle artisanale, 163 x 42 x 52 cm Courtesy de l’Artiste


Benjamin Deguenon, « Transcendance », 2024.
Grès basse température, engobe, email, 30 x 18 x 15 cm Courtesy de l’Artiste

Courtesy de l’Artiste
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
L’Artiste : Seul le public peut mieux répondre à cette interrogation. Mais pour le peu que je puisse dire, les gens sont très curieux à propos de mon travail. Ils veulent toujours en savoir davantage, surtout que je travaille sur la représentation des chimères issues d’une mythologie qui m’est personnelle. En effet, il s’agit d’une mythologie urbaine propre à moi. Dans mes représentations, on y trouve des becs, des queues, des griffes, des serres, des ailes et même des représentations extravagantes comme une métaphore de la réalité et surtout du quotidien de l’humain.
Dans le milieu artistique, je suis souvent sollicité ou recommandé pour être sur des projets collaboratifs avec mes pairs. Ces sollicitations viennent aussi bien du Bénin que de partout dans le monde.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
L’Artiste : Le chemin de l’art est exigeant, mais gratifiant. Il faut garder la passion et l’authenticité au cœur de la démarche. Une fois dans le milieu artistique, ils doivent être très ouverts, humbles et savoir apprendre aux côtés de leurs pairs ou des aînés. Si un aîné leur demande un travail, ce n’est pas qu’il en est incapable. Mais plutôt il veut les mettre dans les conditions nécessaires pour faire face aussi aux réalités du milieu. Enfin, je les invite à s’adonner au travail, parce que le travail paie toujours.
Pour plus d’informations sur le travail de Benjamin DEGUENON,
La Rédaction.