Tout juste lauréate de la 1ère édition du Concours Artistique de l’Amitié Ivoiro – Belge et quatrième du prestigieux Concours de Peinture Alberto Cortina en 2023, Adjoba (née en 1996 en Côte d’Ivoire) réalise des peintures à la fois envoûtantes et colorées qui révèlent l’humain dans toute sa complexité : le bon et le mauvais, le bien et le mal, l’envers et l’endroit, tout ce qu’il exprime et tout ce qu’il tait.
Coup de Cœur.

Crédit Photo : Droits Réservés
Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
L’Artiste : Je suis Adjoba, artiste peintre ivoirienne, surréaliste et autodidacte, ou presque. J’ai d’abord suivi un parcours en sciences politiques et travaillé dans le secteur privé avant de revenir à l’art.
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain ?
L’Artiste : Pour moi, l’art c’est la création sous toutes ses formes : dans la nature, la science, la pensée. L’art, c’est ce qui donne une forme sensible aux idées.
L’art contemporain est l’art qui décrit notre époque, une ère globalisée, un monde qui fonctionne comme un petit village où les distances physiques et culturelles s’effacent. Il est aussi une libération, notamment dans sa manière d’explorer les concepts au-delà des contraintes techniques ou académiques. Aujourd’hui, tout peut être art, dès lors qu’il y a une intention et un propos derrière.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
L’Artiste : J’ai commencé le dessin enfant, mais c’était un simple passe-temps. Je ne dessinais que lorsque l’ennui devenait insoutenable, quand plus rien d’autre n’avait de saveur. C’est en 2022 que j’ai commencé à m’intéresser sérieusement à la peinture. J’étais en pleine crise existentielle, me demandant si la vie que je menais était celle que je voulais poursuivre. J’avais une carrière prometteuse et je ne me permettais pas d’envisager une autre voie. La peur de l’inconnu me paralysait, et l’idée de me décevoir moi-même ainsi que mon entourage me hantait. On ne quitte pas une carrière prometteuse, à moins que ce soit pour quelque chose de juger « mieux » selon les standards sociaux.
Pour échapper à l’ennui qui m’étouffait, j’ai décidé d’explorer mes talents. Tout semblait vide de sens, comme si je fonctionnais en pilote automatique. J’ai alors pris des cours particuliers de peinture tout en poursuivant mon travail de bureau. Je voulais simplement donner forme à mes idées, pratiquer une activité manuelle, loin de ma routine quotidienne. Je ne cherchais pas à devenir artiste, mais à exister autrement.
Fin 2023, j’ai quitté mon emploi pour faire une pause et réfléchir à mon avenir. Trois mois plus tard, après avoir passé des jours et des nuits dans mon atelier, à expérimenter, à créer sans contrainte, la réponse s’est imposée à moi : je ne pouvais plus faire marche arrière. L’art était devenu mon langage, ma nécessité.

Courtesy de l’Artiste
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenu à la finalisation de votre empreinte ?
L’Artiste : Mon art est une réflexion philosophique. Depuis l’enfance, je suis habitée par une quête de sens. J’ai toujours posé des questions sur la vie, parfois jusqu’à l’obsession. J’aimais la compagnie des personnes âgées parce qu’elles semblaient porteuses de réponses. Mais avec le temps, j’ai compris qu’il n’y en avait pas toujours. Mon existence tout entière a été guidée par l’analyse, le doute et la remise en question. Mon art en est seulement le reflet, en ce sens qu’il offre une vision métaphorique et disruptive de la psyché, en invitant à explorer les recoins les plus ignorés de l’esprit humain, et à ouvrir des voies à des réflexions existentielles sans réponse définitive, ainsi qu’à des réalités alternatives.
Quant à mon empreinte artistique, je ne pense pas avoir abouti à une empreinte définitive, et peut-être n’y a-t-il pas de point final dans la création, seulement une évolution perpétuelle. Mon travail est un cheminement plutôt qu’une signature figée. Ce que je sais, c’est que je continuerai d’explorer, sans me limiter.
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
L’Artiste : L’artiste qui m’a donné envie de peindre, c’est René Magritte. Dès que j’ai vu ses œuvres, j’ai su que le surréalisme était mon langage. J’ai immédiatement perçu la profondeur philosophique de son travail, comme si ses toiles répondaient silencieusement aux questions que je me posais. .Je m’inspire aussi de Tetsuya Ishida, de la technique des maîtres de la Renaissance, et du surréalisme de Dorothea Tanning, entre autres.
Cependant, mes influences ne viennent pas que de la peinture. La littérature et la philosophie occupent une place essentielle dans mon processus créatif. Je puise dans les travaux des penseurs et écrivains comme Kafka, Camus, Pessoa, Hampâté Bâ, Wole Soyinka, Dostoïevski ou encore Spinoza.
Mes œuvres explorent l’identité, la conscience, la mémoire et les tourments intérieurs. Elles reflètent un dialogue incessant entre la raison et l’absurde, entre la quête de vérité et l’acceptation de l’inconnu. Mais avant tout, elles incarnent la question qui m’a toujours habitée : Pourquoi ?

Courtesy de l’Artiste

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Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
L’Artiste : J’ai remarqué que les spectateurs sont d’abord interpellés par la technique avant d’être touchés par le questionnement que suscite une œuvre surréaliste. Il y a d’abord une fascination visuelle, puis vient une réflexion plus profonde.
Quant au milieu artistique, il est difficile à cerner. L’art est subjectif et chacun le reçoit à sa manière. Mais je crois que tant que mon travail continue de provoquer la réflexion, il remplit son rôle.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art ?
L’Artiste : Je dis souvent que je suis arrivée dans l’art par accident. Rien n’était prévu, et pendant longtemps, je n’ai même pas envisagé cette possibilité pour moi-même. Je ne me sens donc pas particulièrement légitime pour donner des conseils. Mais s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que tout ce qui nous permet d’échapper à l’ennui profond de l’existence mérite d’être poursuivi. Si créer vous apporte un sentiment de plénitude, alors c’est probablement le bon chemin.
Pour plus d’informations sur le travail d’Adjoba,
- Son compte Instagram.
La Rédaction.