BISO 2025 : l’entretien croisé de Nyaba Ouedraogo et Florence Conan : « cet événement a été un véritable succès »

Alors que la Biennale de l’Art Africain Contemporain peine à pointer à l’horizon pour sa 16e édition entre les défis liés à l’organisation d’Ecofest du 30 novembre au 06 décembre 2025 et ceux liés aux Jeux olympiques de la Jeunesse (JOJ) de 2026 à Dakar, une autre biennale fait petit à petit la fierté du continent africain : la Biennale de Sculpture de Ouagadougou cofondée par le galeriste Christophe Person, l’artiste et entrepreneur culturel Nyaba Leon Ouedraogo et la spécialiste d’Artcurial Florence Conan, et dont la 4e édition s’est tenue avec brio du 20 novembre au 15 décembre 2025. Mais comment a été organisée cette BISO 2025 ? Quel bilan peut-on exactement faire ? Quels sont les défis organisationnels rencontrés et les perspectives ? Nous avons réalisé une interview croisée de Nyaba Leon Ouedraogo et Florence Conan, deux des cofondateurs qu’on entend peu, afin d’y voir plus clair.


Nyaba Leon Ouedraogo (autoportrait) et Florence Conan

Asakan : Et de 4. Quel bilan faites-vous quelques jours après la clôture de la BISO 2025 ?

Nyaba Leon Ouedraogo : Nous pouvons affirmer que cet événement a été un véritable succès ! Nous avons connu la participation de 13 artistes dans le cadre des projets spéciaux, dont notamment trois artistes burkinabé, qui ont tous  répondu présent, créant un véritable melting-pot culturel.

Les sculptures exposées ont été acclamées par le public et la critique, avec des thèmes qui ont touché les cœurs et les esprits, suivi de riches échanges entre les artistes venus d’ailleurs et les artisans professionnels  de différents métiers : bois , bronze , fer , poterie, tissu. Plus de 5 000 visiteurs à ce jour pour cette édition 2025, c’est la preuve de l’intérêt croissant pour l’art contemporain au Burkina Faso et en Afrique.

Au- delà du IN, il y a eu la BISO Off qui a mobilisé tout les acteurs des arts plastiques de Ouagadougou.

Florence Conan : Oui, nous sommes ravis de cette 4eme édition ! Avec Nyaba et Christophe, nous avons vraiment pris soin de constituer (à partir de l’appel à candidature lancé pendant l’hiver 2024) une sélection d’artistes riche et équilibrée. C’est je pense un pari réussi avec cette sélection qui a réuni des artistes d’âges, de cultures et de pratiques très variés : plus d’une dizaine de pays représentés, des artistes de 25 à 50 ans, certains débutent, d’autres sont déjà représentés dans plusieurs galeries.

L’autre point de satisfaction, c’est que chaque artiste a vraiment travaillé dur pour cette édition afin de produire une œuvre en seulement 3 ou 4 semaines ! C’est un exploit alors que la sculpture n’est pas toujours très valorisée sur le marché de l’art et est difficile à produire quel que soit le pays. Nous pensons bien évidemment à la sculpture au sens le plus contemporain du terme : sous des formes et des techniques classiques telles que la taille en ronde-bosse, mais se prolongeant aussi sous d’autres formes comme des bas-reliefs, des installations, des assemblages textiles etc. C’est une conception à l’image de la production des artistes contemporains : plurielle et multiforme.


Asakan : Est-ce que la crise terroriste qui persiste depuis la première édition de la manifestation vous a posé un quelconque problème cette année ?

Nyaba Leon Ouedraogo : La crise terroriste qui sévit au Burkina Faso et dans la région a effectivement posé des défis pour l’organisation de la BISO 2025. Cependant, nous avons travaillé étroitement avec les autorités et les partenaires pour assurer la sécurité des participants et du public.

Florence Conan : Les relations extérieures entre la France et le Burkina ne sont pas au beau fixe. Paradoxalement, on note le dynamisme des échanges entre le Burkina et d’autres pays voisins ou d’Europe. Tous les artistes ont reçu un excellent accueil à Ouagadougou. Il faut noter la bienveillance et la grande générosité des artisans et artistes qui travaillent en étroite collaboration avec les artistes sélectionnés. Tous sont ravis de pouvoir échanger avec des artistes étrangers dans un échange réciproque de techniques et d’inspirations. Il faut citer notamment les artisans du Centre national d’arts et d’artisanat où les artistes ont principalement travaillé : les bronziers, céramistes, maîtres bogolans, mais aussi beaucoup de corps de métiers : menuisiers, bois, métal, etc.

Cependant, au-delà des difficultés inhérentes à l’organisation d’un tel événement, nous maintenons l’idée que ce genre manifestation artistique agit à son échelle comme un vecteur de partage, de communication et donc de paix entre les peuples et les pays. Il est donc plus que jamais essentiel de maintenir cette biennale à un moment où les gouvernements se désengagent justement de tout soutien à la culture et aux échanges entre la France et le Burkina Faso.


Asakan : Le thème abordé pose justement cette question de l’insoutenabilité des frontières, entre autres physiques mais aussi mentales, culturelles, linguistiques et relationnelles …

Florence Conan : Ce thème est malheureusement plus que jamais d’actualité. Il a beaucoup intéressé les artistes de cette édition car ils ont tous été confrontés de près ou de loin à la difficulté de voyager et de travailler hors de leur pays. Je souligne d’ailleurs l’intérêt aujourd’hui pour les artistes de voyager hors du bloc occidental traditionnel. Beaucoup d’entre eux se dirigent désormais vers l’Amérique du Sud, l’Afrique subsaharienne, l’Asie… L’Europe et les Etats-Unis ne sont plus les références uniques quand il s’agit de création et d’inspiration.

On parle aussi des frontières mentales, culturelles, linguistiques… Cette édition a montré en ce sens que nous gagnons à rester souder quelles que soient nos différences et à apprendre la patience et l’ouverture d’esprit, dans un monde où chacun a tendance à se cloisonner dans sa communauté.

Nyaba Leon Ouedraogo : La BISO 2025 a montré que l’art peut être un outil puissant pour dépasser ces frontières et créer des ponts entre les cultures, les communautés et les individus. Les œuvres  proposées par les artistes et exposées à la BISO 2025 ont parlé un langage universel, qui a permis aux visiteurs de se connecter avec les artistes et leurs créations.

Je reste convaincu  que l’art transcende les frontières et crée un espace de dialogue et de compréhension mutuelle et surtout qu’il peut jouer un rôle important dans la compréhension de l’autre, la tolérance et la paix dans le monde.


Gideon Gomo, « Captured minds, Freedom ? », 2025
Technique mixte : Bois, pierre, bronze à la cire perdue, chaînes, boulons et écrous
Courtesy of Biso-Biennale

Asakan : Un cachet spécial a été mis d’ailleurs sur le programme de résidence de création avec treize des artistes sélectionnés. Pouvez-vous nous en parler ?

Florence Conan : Oui, le nombre d’artistes en résidence a été resserré cette année à 13 artistes, ce qui est une bonne chose pour prendre le temps de valoriser chaque résidence. A l’avenir, nous visons à maintenir ce nombre limité de participants afin de mettre vraiment les résidences de création au centre de cette biennale. Moins d’artistes et dans l’idéal plus de budget alloué à la production de leur œuvre. Le but n’est pas le nombre mais de faire de ces résidences BISO un réel moment de réflexion et d’expérimentation pour les artistes qui pour beaucoup travaillent pour la première fois avec de nouvelles techniques à Ouagadougou, en particulier le bronze à la cire perdue.

Nyaba Leon Ouedraogo : La vision à terme de BISO est d’accompagner les artistes dans les conditions optimales pour produire et proposer de la pensée artistique de qualité.


Wilfried Mbida, « I nür guèda (Pour l’amour) », 2025
Installation immersive
Courtesy of Biso-Biennale
Fatim Soumaré, « Flan, Flakē, Fitla » (Je demande la route) », 2025
(La route des caravanes)
Installation immersive et sculptures Bois, métal, coton filé main, terre cuite, beurre de karité et coton brut
Courtesy of Biso-Biennale

Asakan:  Mais l’exposition officielle n’a duré que quatre jours…  

Nyaba Leon Ouedraogo : Pas exactement. Nous avons eu 4 journées qui équivalent à la semaine professionnelle, sinon l’exposition a été clôturé ce 15 décembre 2025.

Florence Conan: Pour moi, la semaine professionnelle nous a permis de faire converger les visites des collectionneurs et amateurs d’art du 20 au 24 novembre. Ce qui a permis aussi à tout un programme OFF de s’organiser dans la ville sur ces quelques jours. De nombreux ateliers d’artistes et espaces d’exposition ont ainsi ouverts leurs portes : les ateliers Maaneera, la galerie Kaala, le Centre d’arts et d’artisanat etc. Mais l’exposition a été ouverte un mois à partir du jour du vernissage.


Asakan: L’autre chose qu’on remarque entre vous trois qui aviez fondé BISO depuis 2019, tout semble se passer pour le mieux. Vous arrivez toujours à garder une cohérence, tout en élevant chaque année le niveau de la manifestation artistique, est-ce fondamental ?

Nyaba Leon Ouedraogo : Effectivement, nous avons le plaisir d’échanger, de travailler ensemble. Nous sommes une équipe soudée et chacun essaie de jouer sa partition. Comme la plupart du temps chacun de nous avons notre propre activité, quand on se retrouve c’est toujours avec plein de bonheur et de bonnes énergies.

Florence Conan: Je pense que nous avons tous les trois le goût pour les projets de long terme, ancrés dans le local et qui permettent de véritables rencontres entre artistes, amateurs d’art, collectionneurs. Nous sommes soudés et très complémentaires. Parallèlement, nous avons des goûts artistiques et des sensibilités parfois différents qui nous permettent de constituer des sélections d’artistes équilibrées, édition après édition.


De gauche à la droite, les trois co-fondateurs de BISO : Christophe Person,
Nyaba Leon Ouedraogo et Florence Conan
Crédit Photo : Ghizlane Sahli

Asakan : Quelle est la prochaine étape ?

Florence Conan : BISO 2027 ! Une sélection plus resserrée des artistes. Nous espérons également de nouveaux partenaires internationaux et locaux pour renforcer notre biennale.

Nyaba Leon Ouedraogo : On vous dira tout prochainement. Merci de nous suivre sur nos réseaux sociaux: Instagram et Facebook.

La Rédaction.

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