Plutôt en mars-avril 2025, elle était en résidence à la Villa Saint-Louis Ndar du Sénégal sur un projet hybride mêlant sculpture, vidéo, peinture et installation numérique intitulé « Futur is Ours ». A la fois Marocaine et Française, Anaël Alaoui-Fdili (née en 1999 à Caen) est une artiste qui a d’abord obtenu une licence en sciences humaines à l’Université de Caen puis a intégré l’Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne avant d’être diplômée en master de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Bourges. A travers préoccupations personnelles et géopolitiques, sa pratique, en s’articulant autour du futurisme et des outils numériques, conçoit des atmosphères immersives et des espaces sensoriels qui plongent le spectateur dans un univers où le réel et l’imaginaire se rencontrent.
Coup de Cœur.

Asakan : Pour commencer notre entretien, pouvez –vous vous présenter ?
L’Artiste : Je m’appelle Anaël Alaoui-Fdili, j’ai 26 ans. Je suis artiste chercheuse. J’axe mon travail sur l’écriture de récits futuristes d’un point de vue décolonial. J’utilise la science-fiction, l’avenir, comme une toile sur laquelle on pourrait peindre le futur qu’on souhaite voir exister.

Installation vidéo son et lumières
Photo : Maëlle le Hecho Courtesy de l’Artiste

Série photographique, collage numérique
Photo : Anaël Alaoui-Fdili & Noreyni Seck Courtesy des Artistes
Asakan : Quelle définition faites-vous de l’art ? Comment percevez-vous l’art contemporain?
Anaël : Selon moi, l’art est un terrain d’expérimentations infini. C’est comme un bac à sable qui évolue constamment, dont les règles changent et se transforment. J’ai tendance à voir tout ça comme un jeu ou une source d’amusement.
Je vois l’art contemporain comme un espace où l’on peut rassembler toutes ces expériences, ces questionnements et certitudes, un lieu d’échange et de découverte. Mais il ne faut pas oublier que l’art contemporain est parfois inaccessible et que ça reste un monde assez opaque vu de l’extérieur.
Asakan : Quand avez-vous su que vous consacriez votre vie à l’art ?
Anaël : Sincèrement c’était complètement au hasard, j’avais 19 ans, j’étais à la fac en train de remettre ma vie en question quand une connaissance m’a dit que j’avais sûrement les capacités pour faire les Beaux-Arts. Je ne connaissais rien à ces écoles et pas grand-chose de ce monde en général. Même si ma mère m’avait transmis son amour de la création.
J’ai tenté un concours et heureusement je l’ai eu, mon dossier n’était pas très bon mais j’ai été prise pour mes poèmes, mes histoires et surtout je pense pour mon histoire. Ensuite j’ai découvert les outils numériques, la 3D, la vidéo, le montage, puis la sculpture et je me suis dit que je pourrais passer ma vie à faire ça si je le pouvais. Après ça j’ai travaillé dur pour rattraper le retard et créer mon univers. Et surtout pour que ma mère soit fière de moi.
Asakan : En tant qu’artiste, comment décririez-vous votre art ? Comment êtes-vous parvenue à la finalisation de votre empreinte ?
Anaël : Je dirai déjà qu’il est hybride et coloré. Je m’amuse beaucoup à mélanger les médiums, les langues, les mythes et souvent j’aime y ajouter des lumières et des sons d’ambiance. Je veux toujours que l’installation devienne comme un autre monde.
Aussi, au-delà de l’esthétique, je pense que ce que les points communs de toutes mes créations sont les thèmes que j’aborde, souvent des thèmes qui me tiennent à cœur, l’amitié, l’isolement, la foi, mais aussi les violences systémiques, les difficultés qu’on impose à certains groupes et pleins d’autres choses.
En fait c’est marrant, mais quand je regarde mes dessins de quand j’étais petite il y avait déjà plein de symboles que je représente encore aujourd’hui, les poissons, les aliens, les immeubles, les flammes etc… Je pense qu’il s’agit là d’une base qui me dépasse.
Je ne sais pas si j’ai déjà finalisé mon empreinte, je me dis que beaucoup de choses sont là et que tout peut encore changer, la vie est faite de surprises !
Asakan : Quelles sont vos inspirations artistiques, vos influences ? Les thèmes et émotions que vous essayez de transcrire dans vos œuvres ?
Anaël : Ma première inspiration dans l’art contemporain, où je me suis dit woaw, c’était Mona Hatoum. Quand je l’ai découverte, je suis allée à la bibliothèque lire tout ce qui la concernait. Puis, il y a eu Kapwani Kiwanga, Minia Biabiany, Neil Beloufa, Meriem Bennani et tellement d’autres dont j’admire le travail. Ils et elles sont pour la plupart à peine plus âgés que moi donc j’ai tendance à les regarder de loin comme une petite sœur admirative.
Dans mes créations je parle toujours de ce que je vis parce que nous sommes beaucoup à le vivre. Être issue de la diaspora, vivre entre deux pays, vivre en cité, trouver sa place, être en colère, déçue, pleurer, abandonner, vouloir changer les choses. Les amis, la famille et la religion.
J’aime utiliser le futurisme pour nous faire exister dans un monde par nous et pour nous. Nous réapproprier nos représentations en les glissant dans le futur c’est une façon pour moi de faire vivre l’espoir qui m’anime et de le matérialiser mais aussi d’aborder d’une façon qui m’intéresse les problèmes sociaux auxquels on doit faire face aujourd’hui.

Installation vidéo son et lumières
Photo : Maëlle le Hecho Courtesy de l’Artiste

Sculpture, installation en acier, sable, divers, Bourges 200 x 200
Photo : Anaël Alaoui-Fdili Courtesy de l’Artiste

Trytique d’images, impression 3D, photomontage Technique lenticulaire, 22 x 30 cm x 3.
Photo : Anaël Alaoui-Fdili Courtesy de l’Artiste

Série photographique, collage numérique
Photo : Anaël Alaoui-Fdili & Noreyni Seck Courtesy des Artistes

Série photographique, collage numérique
Photo : Anaël Alaoui-Fdili & Noreyni Seck Courtesy des Artistes
Asakan : Quel est le regard porté sur votre travail par le public ? Par le milieu artistique ?
Anaël : J’ai de la chance, car j’ai beaucoup de bons retours en général, je suis toujours surprise quand je vois des personnes très émues par mes pièces. J’oublie des fois que les thèmes que j’aborde peuvent être tristes même si ça me concerne, vu que travailler dessus m’aide à prendre de la distance. Mais oui je suis contente de voir certaines œuvres faire rire, d’autres émouvoir, certaines même sont interactives donc je peux voir le public jouer et ça me fait tellement plaisir.
Pour ce qui est de l’accueil dans le milieu artistique je dirai qu’il y a deux écoles, une qui est très ouverte aux thèmes que j’aborde, qui est très encourageante et valorisante. Une autre qui ne s’y intéresse pas trop ou qui préfère encourager d’autres démarches et tant mieux en soi, ça permet de voir une certaine diversité dans le monde de l’art contemporain et de travailler avec des personnes qui partagent les mêmes convictions.
Asakan : Quels conseils aimeriez-vous transmettre à d’autres jeunes désireux de se lancer dans l’art?
Anaël : Je vous conseille de croire en vous, je sais c’est bateau mais le monde de l’art est parfois violent et peut-être compétitif. On peut essuyer beaucoup d’échecs ou même se faire rabaisser parfois. Et à ce moment-là, il n’y a que nous pour y croire. Aussi, faire attention à rester soi-même, personnellement, mon mantra c’est « je me réveille droite dans mes bottes, je m’endors droite dans mes bottes ».
Il y a assez de place pour tout le monde dans le monde de l’art alors évoluer dans ce monde en restant aligné à vos valeurs c’est possible. Et enfin, consommer de l’art, regarder ce qu’on fait vos prédécesseurs, ce que font vos collègues, voir ce qui se passe dans le monde du théâtre, du cinéma, de la littérature, de la danse etc… C’est toujours très inspirant et ça permet d’avoir un regard ouvert sur votre propre travail.
Et surtout amusez-vous !
Pour plus d’informations sur le travail d’Anaël Alaoui-Fdili,
La Rédaction.



