Jusqu’au 30 août, la LouiSimone Guirandou Gallery, une des plus historiques galeries d’art contemporain d’Abidjan, vous invite à ralentir, à regarder et à se laisser traverser par le travail des artistes Maria Adjovi, Jean-Luc Konkobo, Capucine Minot et Lydia Matiegou-Keita à travers l’exposition « Découvertes #7 ». A cet effet, la commissaire de l’exposition, Nora Diaby, a accepté de répondre à nos questions sur l’intérêt et le propos de l’exposition, le travail des quatre artistes participants et sa collaboration inédite avec la galerie.
Entretien.

Exposition « Découvertes #7 » / LouiSimone Guirandou Gallery
Photo ©: Issam Zejly / Suprême Communication
Asakan: Depuis 2018, LouiSimone Guirandou Gallery organise chaque année une exposition Découvertes de voix émergentes qui façonnent la scène contemporaine. Mais c’est la première fois qu’elle travaille avec une curatrice indépendante. Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter ce challenge ?
Nora Diaby: L’exposition estivale « Découvertes » se tient depuis maintenant sept éditions au sein de la LouiSimone Guirandou Gallery. J’ai accepté d’effectuer la curation de cet été, car c’est à mes yeux une initiative très importante et pionnière sur Abidjan.
En effet, la Galerie est la première à avoir lancé cette initiative comme un espace, un outil de monstration pour des artistes qui souvent n’ont jamais présenté leur travail dans une approche White Cube. Alors, quand l’équipe de la galerie m’a proposé le commissariat de cette édition, j’ai tout de suite accepté pour montrer mes coups de cœur à son public.

Photo ©: Issam Zejly / Suprême Communication
Asakan: Comment s’est déroulée la sélection des quatre artistes de l’exposition ? Le choix des œuvres présentées et leur disposition dans l’espace de la Galerie ?
Nora Diaby: Étant régulièrement entre Paris et Abidjan, je tenais vraiment à présenter des artistes basés dans ces deux villes comme une sorte de compte rendu, de conversation.
J’éprouve notamment un grand plaisir à visiter l’école des Beaux-arts de Paris et sa riche programmation. Je m’y rends pour y découvrir les expositions collectives qui se tiennent régulièrement dans les ateliers. C’est ainsi que j’ai découvert le travail de Lydia Matiegou-Keita et de Maria Adjovi au cours de l’hiver dernier. Ce fut de réels coups de cœur plastiques.
D’un côté Maria Adjovi coloriste qui joue avec la lumière et les textures que peuvent dévoiler la peinture à l’huile, de l’autre Lydia Matiegou Keita et sa série de baobabs qui se déploient en variété de formes, de supports, de dimensions mais avec une seule et même technique la pyrogravure comme un geste de la continuité et du lien.
Au niveau d’Abidjan, je connaissais le travail de Capucine Minot et de Jean Luc Konkobo via les réseaux sociaux. L’envoi de leur portfolio par la Galerie, puis la visite de leur univers une fois sur place, m’a particulièrement plu et paru être une évidence au propos que je voulais alors tenir.
Concernant le choix des œuvres et leur disposition, tout a été pensé et projeté au gré des conversations avec les artistes ces derniers mois.
Asakan: Pourquoi avoir choisi de réunir peintures, photographies, sculptures sur bois et dessins au crayon dans le même projet ?
Nora Diaby: Je n’ai pas cherché à cocher des cases sur la place que devait prendre chaque support. Le choix de chacun des artistes s’est décidé sous la base de l’appréciation plastique. En tant que passionnée des arts visuels dans leur globalité, la variété de supports s’est ainsi imposée tout naturellement à moi.
Asakan: Le dossier de presse mentionne que ces œuvres « parlent de corps, de territoires, de gestes oubliés ou retrouvés ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ce propos de l’exposition et sur la manière dont il transparaît dans les pratiques des 4 artistes et le fil du parcours ?
Nora Diaby: Ce propos pensé avec la Galerie transparait dans les pratiques des 4 artistes mais de manières différentes.
Maria Adjovi et Jean-Luc Konkobo à l’aide de la peinture et de la photographie interrogent notre humanité et la part active que nous avons dans des questionnements plus larges, tels que le rapport au rêve, au souvenir pour Maria, au conditionnement, à l’urbanisation ou encore l’oscillation entre tradition et modernité pour Jean-Luc.
Capucine Minot et Lydia Matiegou interrogent les territoires et les gestes oubliés. D’un côté, nous avons Capucine qui vit depuis 8 ans en Côte d’Ivoire. Elle a donc souhaité mettre en valeur des éléments que nous connaissons, voyons, admirons ici au quotidien, sans réellement poser un œil appuyé sur les détails, c’est le cas par exemple des peignes, des graines de palme.
Lydia avec sa série de baobabs met la focale sur cet arbre reconnu en Afrique de l’Ouest comme l’endroit de la transmission, du lien et du dialogue entre les membres d’une même communauté.

Courtesy de l’Artiste et de la LouiSimone Guirandou Gallery

Impression numérique sur panneau aluminium 4mm, 75 x 115 cm
Courtesy de l’Artiste et de la LouiSimone Guirandou Gallery

Dessin au crayon graphite et encre noire sur papier, 58.5 x 40.3 cm
Courtesy de l’Artiste et de la LouiSimone Guirandou Gallery

Pyrogravure sur bois, 20 x 45 x 10 cm
Courtesy de l’Artiste et de la LouiSimone Guirandou Gallery
Asakan: Vous dites également que cette édition de Découvertes « s’articule ainsi comme un espace d’écoute, de résonance, de construction »…
Nora Diaby: Avec la Galerie, nous avons voulu créer un espace où la conversation entre les œuvres s’articule comme un seul et même fil. Si les artistes ont chacun un mur leur permettant de montrer leurs œuvres, par les choix des couleurs, l’accrochage, etc., la scénographie permet une conversation entre tous.
Ainsi, nous pouvons retrouver certaines gammes chromatiques, parmi lesquelles le rouge qui tire vers le marron dans les peintures de Maria, dans les baobabs de Lydia, certaines photographies de Jean-Luc. Les lignes des pyrogravures de Lydia conversent subtilement avec les lignes et les traits de crayons de Capucine.
Jean-Luc, lui, souhaitait la présence d’un miroir à la fin de la présentation de sa série de photos comme pour interroger le spectateur. Ce miroir permet aussi d’avoir une vue d’ensemble sur l’exposition.




Vues de l’Exposition « Découvertes #7 » / LouiSimone Guirandou Gallery
Photo ©: Issam Zejly / Suprême Communication
Asakan: Quels ont été les défis du commissariat de cette exposition ? Vos moments préférés ?
Nora Diaby: Des défis, il y en a eu au cours des mois qui ont précédés l’exposition : le principal a été d’avoir la confiance des artistes. Ils étaient tous partants pour participer à ce projet curatorial, mais je tenais à être la plus professionnelle possible pour que leur confiance reste intacte en tout point à mon niveau, j’espère avoir réussi à relever ce défi.
Mes moments préférés sont très nombreux, mais les plus précieux sont bien évidemment, les visites d’ateliers, les divers échanges et longues conversations avec chacun d’entre eux, le suivi et la découverte des œuvres en cours puis achevées, mais également les heures de travail avec la Galerie autour de la scénographie et du montage de l’exposition.
Asakan: Qu’espérez-vous que les gens retiennent de Découvertes #7 et de votre travail de commissariat?
Nora Diaby: J’aimerais que le public prennent du plaisir à visiter cette édition, en ayant un sentiment de liberté et de fluidité durant le parcours de l’exposition. Mais j’aimerais surtout que les gens prennent réellement le temps de s’arrêter sur les œuvres, pour les interpréter, les interroger, les apprécier ou tout son contraire.
Asakan: Un dernier mot ?
Nora Diaby: Je profite de ce dernier mot pour remercier la LOUISIMONE GUIRANDOU GALLERY pour la confiance accordée et pour cette belle opportunité. Je remercie également les artistes pour la confiance qu’ils.elles m’ont accordée, en espérant qu’ils apprécient la manière dont leurs œuvres sont proposées au public.
Exposition Découvertes #7
Du 10 juillet au 30 août 2025
A la LouiSimone Guirandou Gallery
Avenue Jean Mermoz, rue 127, Abidjan, Côte d’Ivoire
Accès: Entrée libre et gratuite du mardi au samedi de 10h à 19h.
Plus d’infos : louisimoneguirandou.gallery
La Rédaction.